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Critique de Woland


Poison in the Pen
Traduction : Patrick Berthon


Les affaires dans lesquelles intervient un scripteur anonyme qui se complaît, par le truchement des Postes, à révéler les pires horreurs, réelles ou inventées, exhalent en général des relents empoisonnés. En France, tout le monde a encore en mémoire l'Affaire Gregory où sévit jusqu'au bout, et sans se faire jamais découvrir, un "corbeau" dont le seul but était manifestement de retourner le couteau dans la plaie pourtant déjà bien béante de la famille Villemin.

Dans ce roman, qui reste l'un de ses meilleurs, Patricia Wentworth restitue, dans toute son horreur insidieuse, l'extraordinaire méchanceté qui préside à ces cas de lettres anonymes. Au départ, il n'y a aucun crime mais, peu à peu, les meurtres vont se succéder avec éclat dans l'un de ces petits villages si chers aux "reines du crime" britanniques. Tout le monde, évidemment, y connaît tout le monde et personne n'imagine qui peut être le scripteur si plein de haine. Pour être exact, personne n'ose imaginer que son voisin pourrait lui en vouloir à ce point ...

L'affaire prend vraiment son envol lorsqu'une jeune fille, qui avait déclaré à une amie avoir réalisé l'identité du Corbeau, meurt noyée dans un étang. le coroner conclut à l'accident mais il sera bientôt amené à revoir son opinion car une autre habitante du village va décéder après avoir absorbé du cyanure - le suicide est envisagé mais laisse sceptique à peu près tout le monde - et enfin le châtelain du coin va lui aussi mourir après avoir bu un whisky qui contenait un pesticide contre les guêpes.

Miss Silver est là dès le début, appelée par Frank Abbott à la rescousse de l'une de ses parentes, Joyce, une jeune veuve venue s'installer, avec son petit garçon, chez l'une de ses tantes. Joyce faisait partie des premières personnes ayant reçu un billet anonyme et, ne connaissant pratiquement personne au village, la jeune femme se sentait doublement désarmée face à cet imprévu aussi haineux qu'inattendu.

L'intrigue est rondement menée, les personnages, en dépit de quelques archétypes propres au genre, ne sont pas faits que d'une seule pièce caricaturale mais ce qui vaut surtout dans ce roman, ce sont la gravité, le sérieux avec lesquels Wentworth traite le thème du Corbeau et de sa personnalité. Je n'ai pas la prétention d'avoir lu tous les romans de Wentworth mais c'est bien le seul jusqu'ici où j'ai vu Miss Silver, d'habitude si réservée, grimper "en courant" les marches d'un escalier afin de chercher à sauver la dernière victime en date du Corbeau assassin. Pour les habitués de la série, pareil comportement signifie que la détective au tricot est sortie de ses gonds et il faut être un meurtrier drôlement retors pour réussir pareil coup. La conversation que l'ancienne gouvernante engage avec lui aurait d'ailleurs suffi à nous confirmer l'anomalie que représente le Corbeau parmi les personnages de Wentworth : une anomalie où le glauque l'emporte sur tous les plans. Elle constitue aussi le sommet du livre : tout en finesses, inquiétante, angoissante - un peu comme si le lecteur, saisi par la folie morbide et la mesquinerie innée de l'assassin, s'attendait à ce que ce soit en fait la dernière enquête de Miss Silver ...

Un excellent roman, plus complexe que les intrigues habituelles et qu'il faut prendre le temps de lire - et de relire.
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