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Critique de lousalinger


C'est une antienne, les romanciers ont eu plus souvent qu'à leur tour affaire au monde du cinéma. On comprend aisément la logique derrière une telle association. Plus le nom du scénariste à l'oeuvre sur votre film est réputé, plus vous élargissez le champ d'attention qui lui sera accordé. En toute logique, un génie comme Donald Westlake fut très souvent courtisé par les pontes de grands studios. Parfois pour faire de simples passes sur une brassée de scripts déjà avancés, soit pour en livrer plusieurs de son cru mais qui n'iront jamais au delà de la phase préparatoire. de temps à autre, cela débouche. Avec Cops and Robbers par exemple en 1973, sauf que le film est loin d'être du goût de Westlake. Résultat inverse sur Les Arnaqueurs en 1990 qui est un tiercé gagnant. L'auteur adapte l'un de ses maîtres Jim Thompson, apprécie la collaboration avec le réalisateur Stephen Frears, et sera même nommé à l'Oscar de la meilleure adaptation. Un peu plus et il refilait à James Bond sa dix-huitième mission en 1995. Manque de pot, ses idées et son approche ne convainquent pas l'équipe en charge de ce qui deviendra Demain ne meurt jamais. Bref, beaucoup de projets, quelques bonnes surprises, pas mal de regrets, mais une expérience enrichissante comme on dit. À force de frayer avec les grands patrons et les stars, de regarder de "l'autre côté du rideau", l'écrivain n'a pas gardé de l'industrie une image des plus fameuses. L'origine de Monstre sacré ? D'une certaine façon, quoique les germes furent posés lors d'un de ses premier travaux pour le cinéma. En 1969, il livre un script intitulé Who Stole Sassi Manoon?, un thriller comico-dramatique voyant une starlette fatiguée de son train de vie se faire kidnapper (une aubaine pour elle). le long-métrage ne se fera jamais mais de cette nouvelle morte-née, on peut déjà y voir la vision désabusée qui va imprégner le roman publié en 1989.

Je le situerai parmi les travaux les plus aboutis de Donald Westlake. En à peine 270 pages, l'auteur signe un véritable OVNI dans sa carrière. Une fable insaisissable, littéralement protéiforme, simple mais complexe, drôle mais terrifiante. Un labyrinthe de chapitres, d'interludes, d'affabulations, de ruptures, de vrai, de faux. L'antre de la star déchue Jack Pine, véritable Xanadu sur les côtes californiennes, va autant être le lieu d'une grande introspection que la rétrospective peu enjouée sur un monde de l'illusion qui a petit à petit grignoté l'esprit de son hôte. Westlake peut donner l'impression de filer droit, on comprend qu'il y a quelque chose dans les angles morts. Des flashes indéterminés permutent la nature de l'entretien, le découpage en séquence jettent le doute sur la réalité de ce que raconte Pine, on en vient même à douter de Pine lui-même sans parler des partenaires, employés, amis ou de son interviewer. Nous voilà embarqué dans une plongée identitaire hors-norme, sur plusieurs niveaux de lecture et pas mal de zones troubles pour laisser l'esprit du lecteur s'interroger à son tour. Portrait sans concession du showbusiness ? Charge schizophrène d'un esprit à bout ? Farce horrifique sur la frontière illusion/réalité ? Et si c'était les trois à la fois ? Ou plus encore, la question reste posée en fin de livre. On a beau le reposer, il va continuer à nous travailler. C'est curieux mais Monstre sacré m'a pas mal rappelé certains romans signés Bret Easton Ellis, très en phase avec les dérèglements de la vie écrite avec des paillettes et pas mal de lignes de coke. La verve est folle, l'humour omniprésent, la tension croissante ; on achève la lecture avec pas mal de moments en mémoire. Et un trouble qui ne s'en va pas. Oui, il y a un point final certes mais qu'on peut aussi se voir comme un point d'interrogation. Zut, on est piégé. Tant mieux.
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