Le bruit du silence

Lorsqu'il y a deux jours Laure lui a demandé si elle pouvait passer récupérer ses toiles pour sa prochaine exposition, il a éprouvé comme un frémissement de joie à l'idée de la voir. Mais face à sa fille, Le vide d'amour s'est installé en lui, comme à chaque fois...

Il se rendit compte à cet instant, seul dans le petit bois, que s'il n'avait jamais levé la main sur Laure, ses mots et ses regards, et peut-être surtout leur absence, avaient été aussi violents que des coups.

La souffrance de la petite fille de onze ans est toujours vive. Cette nuit là, elle se revoit, assise en chemise de nuit sur les marches de l'escalier, tenant entre ses orteils glacés son vieux doudou.

Il sait qu'il va devoir parler,enfin.Dire toute la vérité ,déchirer le secret.... .Lui qui a toujours craché sur les psys,disant qu'ils ne servaient a rien,comprend ce soir à quel point les non-dits qu'on croyait bien cachés au fond du passé laissent des traces de sang.

- Tu ne m'as jamais regardée ! je n'ai vu que du mépris dans ton regard. Dis moi, papa, …..dis moi….qiu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ? Si….si tu savais combien de fois j'ai voulu mourir plutôt que de ….de vivre à tes côtés sans exister……..je te hais...je voudrais tant être auprès de maman…...je voudrais crever là sous tes yeux.
sous les cris et la souffrance de sa fille, François sent son cœur se fissurer. Ses mots viennent le bousculer, le bouleverser l'atteindre au plus profond de lui-même. L'amour, qu'il croyait enterré, explose. Son cœur est comme un volcan qui revient à la vie. Le visage de Béatrice et celui d'Antoine passent devant ses yeux et semblent lui dire " va, va vers ton enfant'.

Ces derniers mots font vaciller François. Il devient blême. Ses poings se serrent avec une envie de les frapper toutes les deux. Il finit par s'enfuir, et se retrouve dans le jardin. La neige sur son visage lui fait du bien ; elle est comme une main fraîche sur son front. Il marche d'un pas rapide vers le fonds du parc, là où les arbres forment un petit bois, là où il aime aller hurler. Et sous leurs branches décharnées, il se met à pleurer pour la première fois depuis des années.

Je ne veux pas y retourner, je ne peux pas. J'ai peur de sa réaction, peur de son regard sur moi. Ce regard qui me blesse chaque fois, qui me fait me sentir si nulle...si petite

Le livre, auréolé de l'absence de son auteur dont personne ne connaissait le visage, fut un succès au-delà des frontières de l'Hexagone.

Jamais je ne m'étais imaginé que tu te souviendrais,que ce nom avait pu rester gravé en toi...

Ce sentiment de vide,de manque,de lourdeur qui avait bercé son enfance malgré les sourires de sa mère_dont elle se demandait à présent s'ils n'étaient pas faux_viendrait-il de là?