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Critique de Plumeetencre



"L'oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices exceptés, nul n'est responsable de leur première mort,  nous le sommes de la seconde."

***

Dire l'indicible… 
Nommer l'innommable…
Transmettre l'intransmissible…


Membre de la communauté juive orthodoxe de Sighet, une petite ville de Transylvanie, Elie Wiesel a 15 ans lorsqu'en 1944 il est déporté  avec sa famille à Auschwitz.

"Devant nous, ces flammes. Dans l'air, cette odeur de chair brûlée. Il devait être minuit. Nous étions arrivés."

Une fois descendus du train, ils subissent l'étape de "sélection" :  femmes, enfants, personnes âgées ou infirmes d'un côté et hommes valides de l'autre. Ceux jugés "inaptes" au travail sont directement emmenés vers les chambres à gaz. L'adolescent l'ignore encore mais il ne reverra plus jamais sa mère ni sa plus jeune soeur.

Mentant sur leur âge, lui et son père échappent à la sentence de mort immédiate. Conduits de baraque en baraque, ils sont déshabillés, entièrement tondus, désinfectés ,douchés puis affublés de vêtements qui jadis appartenaient à d'autres. Eux, que sont-ils devenus ?

"En quelques secondes, nous avions cessé d'être des hommes."

Bientôt réduits à un simple matricule, livrés à la fureur des Kapos,  ils resteront sur place trois semaines avant d'être affectés à l'un des kommandos de travail du camp de Buna.

Cris, injures, menaces, averses de coups, exécutions publiques, la violence règne en maître.  Les esprits sont pétrifiés, les coeurs anesthésiés et les âmes déshumanisées.

"Il y avait longtemps que ces corps desséchés avaient oublié la saveur amère des larmes."

Si Dieu tout-puissant existe, où se trouve-t-il? Comment peut-il rester silencieux face à ce spectacle de l'horreur? Cri étouffé d'indignation et de révolte; la foi du jeune homme vacille. 

Les troupes Alliées progressant sur les territoires du Reich, il est bientôt donné l'ordre d'évacuer le camp. S'ensuit alors une effroyable "marche de la mort" en direction de Buchenwald. le père d'Elie,comme tant d'autres, y laissera la vie.

*

Devenu l'ombre de lui-même, seul survivant de sa famille, Elie Wiesel (1928-2016) s'est retranché derrière le silence pendant dix ans avant de pouvoir mettre en mots son expérience concentrationnaire.

Plus qu'une catharsis, écrire et prendre la parole sont dès lors pour lui les armes d'un devoir essentiel : le devoir de mémoire.

Paru en 1958 puis l'objet d'une nouvelle traduction en 2006 réalisée par l'épouse de l'auteur, le présent ouvrage est le récit fragmenté de ses onze mois de détention dans l'antichambre de l'enfer.

Peu de repères temporels, le texte se présente sous forme d'un saisissant  condensé d'images, de scènes,  d'épisodes parmi les plus marquants qu'il ait vécu auxquels se mêlent ses ressentis. 

D'une puissance évocatrice terrible, La nuit est le témoignage sans concession d'un anéantissement physique, moral et spirituel. 

Une lecture absolument bouleversante qui laissera en moi une empreinte indélébile…

***

"Jamais je n'oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée. Jamais je n'oublierai cette fumée. Jamais je n'oublierai les petits visages des enfants dont j'avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. Jamais je n'oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma foi. Jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé pour l'éternité du désir de vivre. Jamais je n'oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert. Jamais je n'oublierai cela, même si j'étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais."
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