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Critique de JeanLouisBOIS


Dans son nouveau roman, qui vient de paraître chez Grasset-Fasquelle, Elie Wiesel raconte l'histoire d'une vie et d'une quête identitaire. le journaliste juif new-yorkais Yedidyah se souvient de l'événement qui l'a bouleversé à jamais : le procès de Werner Sonderberg, brillant étudiant allemand aux États-Unis, accusé d'avoir tué son oncle lors d'une promenade dans les montagnes. À la surprise générale, le jeune étudiant plaida « coupable… et non coupable ». Réponse énigmatique dont on devine le sens uniquement si l'on considère le cas Sonderberg comme part d'une histoire qui, « jusqu'à la fin des temps, fera honte à l'humanité ».
Quel rôle nous est-t-il donné de jouer dans ce monde ? C'est une question que se pose souvent le critique de théâtre Yedidyah Wassermann en couvrant le procès du jeune Sonderberg. Intrigué par la mélancolie apparente de l'étudiant, il commence à se poser des questions sur son propre rôle dans l'existence. Or, pour incarner son personnage, il doit d'abord résoudre une énigme fondamentale : qui est-il?

Sa quête devient une recherche dans le temps et dans l'espace : Yedidyah ne cesse de revenir en arrière pour expliquer certains de ses actes, pour se consoler, se justifier. Il nous parle de sa mère, qui aurait tellement souhaité qu'il devienne avocat ; de son père, qui, à travers les livres d'Ibn Ezra et de Maimonide, maintient en vie la mémoire d'un peuple et de sa diaspora millénaire ; et surtout de son grand-père, lecteur assidu de textes apocryphes, fier descendant du grand rabbin médiéval Petahia et incarnation même de la sagesse. Il se rendra en Roumanie, où lui, le « fils de survivants », trouvera les traces de son passé. Et il visitera Jérusalem, origine du peuple d'Israël, source aujourd'hui d'espoir et de désarroi. À la fin de ces voyages intérieurs et réels, il finit par comprendre son empathie pour Werner Sonderberg : comme des acteurs dans une tragédie qui ne pourra jamais porter de nom, les deux hommes se situent de part et d'autre de cette même scène sur laquelle s'est abattue il y a plus de soixante ans, tel un rideau qui pèse lourd pour toujours, la Machine infernale.

Deux types de narrations différentes symbolisent cette quête identitaire : la voix de Yedidyah, nous fait part, à la première personne, de ses observations. L'autre, celle d'une personne tierce, plus neutre, apparaît dans certaines occasions, comme lorsque Yedidyah a une pensée qu'il refoule ou lorsqu'un souvenir enfoui dans le passé lui vient à l'esprit. le cas Sonderberg devient ainsi un roman sur la mémoire et l'identité, où les repères chronologiques s'effacent. Renforcée par l'utilisation à la fois du passé et du présent, cette mosaïque hors du temps se compose de pièces qui, tout au long d'une vie, forment un homme.

Et, à la fin de tout cela, Yedidyah se pose une question légitime : « est-ce possible que je quitte ce monde sans certitude ? » Oui, car dans la vie réelle rien n'est absolu. La justice, la beauté, la mémoire éternelle appartiennent au monde du théâtre. La vie réelle n'est jamais totale, mais terriblement ambivalente. Comment, dès lors, échapper à cette horreur ? En croyant. En Dieu ? Peut-être. Mais surtout en l'homme. Car, comme le dit le sage grand-père dans une des dernières phrases qu'il adresse à son petit-fils : « Tant que tu vis, tu es immortel, car ouvert à la vie des vivants. Une présence chaleureuse, un appel à l'action, à l'espérance, au sourire même face au malheur, une raison de croire, de croire malgré les échecs et les trahisons, croire en l'humanité de l'autre, cela s'appelle l'amitié ».

Alexander Knetig - 11/09/2008.
Lien : http://www.arte.tv/fr/221863..
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