De même que l'on peut faire du management avec
Etienne de la Boétie et sa Servitude Volontaire, on peut faire de la science politique avec
Virginia Woolf et Une chambre à soi.
Après tout pourquoi une leçon de science politique devrait être morne, ardue, toujours trop longue et écrite dans une novlangue élitiste et sans poésie ?
“Lock up your libraries if you like; but there is no gate, no lock, no bolt that you can set upon the freedom of my mind.”
La liberté de ton de
Virginia Woolf donne de la couleur aux mots et de l'ardeur au propos de cet essai, né à l'occasion d'une série d'interventions dans des universités réservées aux femmes.
“The history of men's opposition to women's emancipation is more interesting perhaps than the story of that emancipation itself.”
Première leçon. L'émancipation des femmes dans la littérature n'est pas une dynamique abstraite,
elle s'est construite en opposition avec la volonté des hommes de l'entraver.
L'auteure de
Mrs Dalloway dépeint non sans ironie la vision historique que les hommes, toujours habités par l'esprit de conquête et d'usurpation, ont des femmes, la crainte viscérale de perdre celles qu'ils considèrent comme leur faire valoir et de faire passer pour folle toute celles qui dans l'histoire ont entrepris une aventure littéraire, et ceux avec la complicité d'autres femmes déplore l'auteure.
“Women have served all these centuries as looking glasses possessing the magic and delicious power of reflecting the figure of man at twice its natural size”
Deuxième leçon. Woolf manie dans cet ouvrage l'art de la provocation avec autant de dextérité que celui de la métaphore et de la poésie.
Ainsi elle déclare, au détour d'une phrase, préférer au droit de vote accordé à son sexe la rente héritée de sa vieille tante.
“The news of my legacy reached me one night about the same time that the act was passed that gave votes to women. A solicitor's letter fell into the post-box and when I opened it I found that she had left me five hundred pounds a year for ever. Of the two—the vote and the money—the money, I own, seemed infinitely more important.”
Derrière l'arroche percutante, se tient un propos essentiel du livre qui est la dépendance des femmes vis-à-vis des hommes. Ne pas pouvoir parcourir le monde pour
Jane Austen ou
Charlotte Brontë, ne pas pouvoir signer son oeuvre et surtout de façon très pratique ne pas pouvoir acquérir ou disposer de son bien.
« No force in the world can take from me my five hundred pounds. Food, house, and clothing are mine for ever. Therefore not merely do effort and labor cease, but also hatred and bitterness. I need not hate any man; he cannot hurt me. I need not flatter any man; he has nothing to give me »
Pragmatique et directe, l'auteure en conclut que pour être écrivaine il faut avoir de l'argent et une chambre à soi. En ce début de XXIème siècle, marqué par les mouvements « # metoo » et «# timesup », il n'y a résolument aucune raison d'avoir peur de
Virginia Woolf, bien au contraire.
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