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Critique de Bdotaku


Après « Mezek » et « Double 7 » en compagnie de Julliard (2011 et 2018) , « Angel Wings » avec Romain Hugault (depuis 2014) et « Dent d'ours » (2013-2018) avec Alain Henriet , Yann a enchainé avec une nouvelle série « aéronautique » aux côtés de ses deux complices : Henriet et Usagi. Après un premier tome riche en péripéties, nous voici déjà au deuxième épisode de « Black Squaw » prévu en deux cycles de trois albums. Yann et Henriet en profitent pour revenir sur le passé de l'héroïne à travers des flashbacks et développer également des séquences sur les gamins de Waxahachie.

A L'ORIGINE D'UNE VOCATION

L'oeuvre commence par un flashback en apparence déconnecté de l‘histoire de Bessie : on se retrouve dans les tranchées d'Argonne où ses frères, engagés volontaires dans le 369e régiment d'infanterie – celui des Black Rattlers (les "serpents à sonnette noirs") – participent à la guerre de 1914-1918. Ils croisent dans le no man's land un certain Eugene Bullard dont l'avion vient de se faire descendre par les Allemands et le sauvent. Ce personnage surnommé l' « Hirondelle noire de la mort », a réellement existé tout comme son petit singe mascotte d'ailleurs ! Lui aussi noir Américain, Bullard avait décidé de devenir pilote, à une époque où c'était impossible pour un noir aux Etats-Unis. Comme ce n'était pas le cas en France, il s'était engagé dans la Légion étrangère, afin d'obtenir la nationalité française. À force de courage, il avait ainsi obtenu son brevet ! Combattant hors pair, Bullard avait gagné le droit d'écrire une maxime sur le fuselage de son avion : « Tout sang coule rouge ». Malgré son héroïsme, les autorités américaines refusèrent de reconnaître ses victoires... mais il servira de modèle à la vraie Bessie et l'encouragera à croire en ses rêves.

On se rappellera alors la case de clôture du premier tome dans laquelle elle s'endormait, adulte, en serrant sur son coeur la photo dédicacée obtenue par ses frères dans le flash-back. On évoquera également la jaquette réalisée pour l'édition limitée du tome 2 dans laquelle Bessie adulte, apparait au milieu des tranchées, ladite photo à la main. Ainsi, la filiation symbolique est mise en évidence. Grâce à ce syncrétisme des époques on devine quel fut le parcours de Bessie qui partit passer également son brevet en France à l'image de son idole et l'on comprend mieux certains détails : les affiches du cabaret « le Chat noir » et la pendule en forme de Tour Eiffel dans sa planque, sa maîtrise du français … le flash-back du retour à la maison après la démobilisation dans lequel Walt et Johny font le panégyrique de la France comme terre d'accueil et de tolérance vient finalement expliciter en dialogues et dessin le cheminement qui nous était brièvement retracé dans le dossier documentaire à la fin du premier opus. L'ensemble souligne la détermination de Bessie qui, honorant son nom cherokee « Corneille obstinée », veut continuer sur sa terre natale le combat entamé par Bullard (qui ne revint jamais aux Etats-Unis), et ses frères pour la levée des stéréotypes racistes et l'appréciation des hommes - et des femmes - quelle que soit leur couleur de peau alors même – ceci nous est rappelé au détour d'une case- que l'un des principaux zélateurs du mouvement suprémaciste n‘est autre que le président Woodrow Wilson en personne…

BESSIE PORTE-ETENDARD DE REVENDICATIONS

L'héroïne est extrêmement séduisante. Henriet s'est inspiré de photos de la Bessie réelle mais aussi de Halle Berry et de Rihanna pour créer une belle métisse aux yeux verts. Il l'a rajeunie également : dans l'album en 1927, elle semble avoir une vingtaine d'années alors qu'elle en aurait eu 35. Comme l'explique le dessinateur, « Black Squaw c'est un peu un fantasme ultime. Il fallait que cette héroïne de papier soit dotée d'un charme indéniable ». Elle suscite l'admiration d'al Capone et son charme opère également sur les gamins de Waxachie qui, de circonspects et moqueurs au tome 1, lui vouent désormais un véritable culte. Si certains visages rappelaient ceux du jeune trio de « Dent d'ours », le leader de la bande se nomme Tom et leurs traits plus affinés et individualisés dans cet album font songer à ceux des personnages de l'anime des années 1980 fondé sur l'oeuvre de Twain. Comme dans « Tom Sawyer » et plus encore « Huck Finn », les enfants deviennent solidaires de la jeune paria et l'aident à se débarrasser des méchants lancés à sa poursuite. Leur attitude induit par ricochet celle des jeunes lecteurs tandis que leurs parents ne manqueront pas d'avoir un pincement au coeur lorsqu'ils liront les propos enflammés et dithyrambiques des frères aînés de Bessie sur la France, terre d'accueil pour les minorités dans les années 1920 …

UNE SERIE POPULAIRE
Ce second tome, grâce à ces petits personnages secondaires et aux trognes mémorables des hommes de main du Klan, grâce aussi à la présence en guest-star d'al Capone lui -même (voire le titre du volume) pince sans rire et cruel constitue également un récit d'aventures rafraîchissant. Là encore le dessin d'Henriet fait merveille. Dans la bataille aérienne, toutes les cases sont en mouvement. le découpage est clair et dynamique. Il porte toujours autant d'attention et de soin aux décors et au détail et livre des pages sur la Première guerre mondiale de toute beauté, aidé en cela par les couleurs fort bien choisies d'Usagi. Les séquences consacrées aux enfants apportent, quant à elles, une respiration dans l'album par rapport au sentiment de « trop plein » d'événements qu'on pouvait parfois ressentir au tome 1 ainsi qu'une dimension parfois comique.

Si cette série ne révolutionne pas le 9e art, elle est rafraichissante et familiale et l'on aurait tort de bouder son plaisir !
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