- Je ne manquerai à personne. Tu verras.
Ecartant grand les bras, elle avait sauté.
Je ne l’avais pas vu toucher l’eau ; elle s’était évanouie dans le brouillard.
Jessica avait raison. J’ai consulté les journaux, papier et sur Internet, cherchant la mention du suicide d’une jeune fille qui s’était jetée d’un pont. Aucun avis de recherche, aucune nécrologie, aucun corps retrouvé, nada. La Terre continuait de tourner. Jessica la plongeuse dans le vide était morte, et tout le monde s’en fichait. Et pourtant, elle avait semblé si paisible. Reconnaissante de pouvoir quitter ce monde pour un au-delà, quel qu’il soit. Ses souffrances étaient terminées.
Des bonnes choses arrivent à des gens mauvais, et de mauvaises choses à des gens biens.
- J'ai peur.
- De quoi ? De vivre ? Ce n'est pas si mal.
- Non. J'ai peur que tu meures.
Elle soupire. Je ne vois pas son visage.
- Oui, murmure-t-elle. Moi aussi.
La seule personne qui m’ait jamais donné une véritable chance est morte, et tout ce à quoi je pense, c’est à quel point je suis déçu qu’elle n’ait pas pu me voir lors de la remise des diplômes. Il y a vraiment quelque chose qui cloche chez moi.
Je pose mon ordinateur portable par terre, à côté de mon lit, et le laisse allumé pour m’endormir en écoutant Paul McCartney et les Wings. En songeant à tout ce vide de ma vie et à la façon de le remplir.
Le jour du réveillon de Noël, j’ai vu une fille sauter du Woodshire Bridge.
Je ne la connaissais pas. Je ne l’avais jamais vue. Mon on ne peut pas dire que je sorte beaucoup…
C’était une inconnue croisée par hasard, tôt le matin pendant mon jogging – à deux kilomètres et demi de chez moi.
— Ce n’est pas juste, murmure Adam d’une voix tremblante. Tu nous demandes de t’aider. Tu veux qu’on… te regarde mourir ?
L’expression de Casper ne change pas.
— Je vous demande de m’aider à partir de la façon que j’ai choisie. Je vous demande votre aide, si je ne suis plus en capacité de le faire moi-même, car la dernière chose que je veuille, c’est passer mes derniers jours comme un légume au fond de mon lit, incapable de faire quoi que ce soit, à avoir besoin d’aide pour manger, prendre une douche ou aller chier. Je veux partir dans la dignité.
Adam serre les mâchoires.
— Tu seras digne, quand tes parents iront identifier ton corps à la morgue ?
Inspirer, expirer. Encore et encore.
Simplement pour se prouver qu'on ne meurt pas vraiment d'un cœur brisé.
Il y a une époque où j’avais tout perdu et j’étais seul. La tristesse, la souffrance, tout paraissait infini. Quand on navigue en pleine tempête, on ne sait pas comment s’en sortir, on doute même que cela soit possible.
Je continue de naviguer, mais aujourd'hui, je ne me sens plus aussi perdu.
Si l'autre monde est vraiment meilleur, pourquoi on se donne un mal de chien pour rester dans celui-ci ?