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Critique de fabienne2909


« Amélie était une jeune fille brillante. Elle avait regardé la terre. Les hommes s'en étaient emparés. Elle avait regardé la mer. Les hommes l'avaient prise aussi. Alors, Amélie avait levé son regard vers le ciel. Mais ses parents l'en avaient détourné. »

En ce milieu de XVIe siècle en Hollande, la jeune Amélie Aldebert vit une vie assez étroite et insatisfaite avec Hans, un mari qu'elle ne parvient pas à aimer. En effet, s'il est beau physiquement, ses atouts semblent s'arrêter à peu près là, puisque, soucieux des convenances imposées par une société qui exige des femmes humilité et labeur domestique, quel que soit leur niveau de richesse, il la bride dans ses aspirations intellectuelles et scientifiques qu'il qualifie de hérétiques, et semble être un peu trop chaleureux avec Yolente, l'une des deux domestiques de la maison. C'est donc une jeune femme sèche et anguleuse, n'aspirant qu'à se défaire des conventions, qui survit plus qu'elle ne vit. Jusqu'au jour où, après une longue absence qu'Amélie qualifiait de « paradis », Hans revient accompagné de Sahara, une jeune esclave chinoise achetée en Turquie qu'il installe dans leur foyer, au même niveau qu'elle.

Sans s'attarder trop sur l'insulte que cela représente pour elle, Amélie voit au contraire les avantages que la situation peut représenter en voyant les devoirs conjugaux s'éloigner, lui laissant plus de temps pour ses travaux scientifiques : inspirée par l'idée de s'approcher plus près du Dieu qu'elle vénère, elle comprend que l'air chaud pèse moins lourd que l'air ambiant, et conçoit l'ébauche d'une machine volante. Aidée en cela par Sahara, au contact de qui elle commence à s'épanouir, comprenant que finalement, elles ne sont pas si différentes que cela : dominées toutes les deux par les hommes, rapetissées dans leurs envies comme dans leurs ambitions, que leur reste-t-il sinon la vie ?

« le ciel pour conquête » est le premier livre de Yudori, une jeune autrice coréenne. Roman graphique plus que manga, même si le trait est clairement inspiré de ce dernier, notamment dans les expressions outrées des émotions des personnages, il se distingue de prime abord par l'inclusion de son sujet féministe dans un cadre très original, le Siècle d'or hollandais. J'ai ainsi appris beaucoup de choses sur cette période qui en demandait beaucoup aux femmes mais qui les mettait sur un pied d'égalité avec les domestiques, puisqu'elles participaient aux tâches ménagères et ne devaient pas être oisives, et qu'elles dînaient à table avec ces dernières. Les relations ancillaires sont également bien décrites dans leur complexité, comme le rappelle Eva à Amélie en lui disant qu'en tant que domestique, elle profite des biens de sa maîtresse et qu'elle dépend d'elle. Les personnages d'Amélie, l'intellectuelle rigide, à la foi à la limite de l'extrémisme, sur le chemin de l'émancipation, et de Sahara, à l'inverse tout en courbes et en volupté, mais pas moins forte, unies par une certaine sororité, sont vraiment réussis.

Mais surtout, les dessins sont sublimes, avec des détails somptueux et d'une précision incroyable. Qu'est-ce que c'est beau ! Ils apportent à l'histoire une force et une profondeur supplémentaires. Ils m'ont procuré un plaisir esthétique incroyable et font que je me souviendrai de ce roman graphique longtemps.
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