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Critique de afriqueah


Le petit pan de mur jaune ! sur la couverture, le tableau de Vermeer! Proust !

Conter la peinture, c'est, pour Alain Yvars, nous inviter au théâtre : regarder la mise en scène d'un tableau de Vermeer, une scène de vie ordinaire: « la lettre d'amour » : la porte est entr'ouverte depuis un réduit à balais, avec des seaux, un panier à linge, un coussin, des chaussures qui trainent par terre, un rideau ( rideau ! ). Les deux femmes l'une vêtue de bleu, la servante, donne une lettre à sa maitresse assise, robe jaune ( jaune et bleu, les deux couleurs fétiches du peintre, dit l'auteur)et se concertent :
Rupture ou rendez vous ? Se demandent elles et demande Alain Yvars ? « Vois la marine et le paysage idyllique suspendus au mur : à cette époque, ils symbolisaient le calme, bon présage en amour »….Et puis l'impression de profondeur donné par les dalles blanches et noires( comme dans le tableau de Pieter de Hooch, le couple au perroquet, et puis la lumière venant de la gauche sans que l'on voit de fenêtre. Alain Yvars réussit merveilleusement à nous expliquer ce que nous voyons, car nous ne voyons que ce que nous comprenons…. Et lui, avec sa culture, est là pour nous inviter à voir, pour nous faire voir. Et pour cela, plusieurs approches.

Au théâtre du Moulin Rouge, ce qui occupe Alain Yvars ( et nous, et nous), c'est le regard De Toulouse-Lautrec sur les danseuses, leur provocation ( la Goulue qui d'un geste preste , montre le coeur vert brodé sur sa culotte rose. )Les dessins préparatoires rapides qu'il fait en suivant ces levées de jambes et ces aperçus prometteur, lui le « petit bonhomme ».

Un peu coquin, donc, ce livre, évoquant le Montparnasse des débuts de l'impressionnisme, la fête perpétuelle peinte par Renoir, son amour de la vie et d ‘Aline la gourmande, l'amour de Rembrandt pour Saskia qui illumine la Ronde de nuit.

Parfois l'auteur donne la parole à un modèle par exemple Béatrice Hastings, poétesse et journaliste, qui a vécu une liaison orageuse avec Modigliani. Elle repense à sa rencontre avec lui, à sa peinture « vue de face, le cou et le visage s'allongent, le regard est vide. »… et elle caresse un nu de femme lascive.

Ou bien il fait écrire Berthe Morisot à sa soeur, pour lui parler en bien du pointillisme, rejeté par la critique :« versicolores gouttes » »tourbillonnantes cohues de menues macules », « fourmillement de paillettes prismatiques » « menues taches prismatiques » critiques qui la font rire ainsi qu ‘Eugène Manet son mari .

Ou bien encore se faisant journaliste, rapportant le procès fait par Whistler à Ruskin, qui l'a traité de bouffon. Lorsque l'on voit le « Nocturnes en noir et or », la beauté de ce feu d'artifice et sa modernité, entendre qu'il a « jeté un pot de peinture à la face du public »nous choque, bravo le peintre, refusant d'expliquer au juge l'importance des formes et des couleurs, pas de ce qui est représenté, de toute façon il ne comprendrait rien, mais nous, si, grâce à ce si charmant livre si rempli de références.

Ou bien en même temps les recherches de Monet peignant les cathédrales de Rouen à diverses heures de la journée, puis évoluant sans cesse jusqu'à peindre les Nymphéas, et l'on imagine le peintre et sa petite fille Blanche, les regardant avec distance, puisqu'ils doivent être vus de loin. « J'ai voulu aller encore plus loin : supprimer la ligne d'horizon, fondre les plans, oublier la perspective. le ciel est absent, seule sa réflexion sur l'onde est visible. L'apparence éphémère des choses… »

Je ne cite pas tout, à vous de découvrir le Jeu de mains de Georges de la Tour, la naissance de l'art rupestre, Winslow Homer ( j'avoue je ne connaissais pas) et, pour terminer sur Vermeer, qu'est devenu ce petit pan de mur jaune, disparu à Delft, et seul survivant sur la toile et dans la « Prisonnière » de Proust ?

En quelques pages, Alain Yvars conjugue l'art apparemment simple de nous convier à savoir regarder un tableau, et toutes les connaissances qui précèdent cette simplicité.
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