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Critique de Luniver


La science a réalisé son but suprême : le bonheur a été mis en équation, toutes les variables sont connues et, mieux encore, contrôlables. La population peut enfin s'épanouir en suivant à la lettre les strictes règles de vie qui leur garantiront un bien-être inégalé dans l'Histoire. Bien sûr, pour atteindre ce noble objectif, il a bien fallu supprimer quelques libertés fondamentales, mais enfin, permettre à quelqu'un de faire des erreurs dans ses choix ce n'est quand même pas très gentil, puis on a rien sans rien.

D-503 s'épanouit comme un poisson dans l'eau dans ce système. Scientifique de renom, et constructeur de l'Intégrale, navette spatiale qui va pouvoir exporter de gré ou de force le bonheur sur toutes les planètes, il ne peut que se féliciter d'avoir pu vivre une telle époque. Et pourtant, une femme rencontrée par hasard va lui mettre des idées étranges dans la tête : des idées de possession et de jalousie (« elle est à moi »), et, pire encore, l'impression d'être un individu à part entière, et pas seulement un composant quelconque d'une mécanique parfaite.

Le roman est le fondateur du genre de la dystopie, et quand on a lu quelques uns de ses successeurs, on repère immédiatement les jalons que l'auteur avait déjà posés ici. Pourtant, je trouvais pendant ma lecture qu'il manquait une composante essentielle, et il m'a fallu quelques jours de réflexion pour mettre finalement le doigt dessus : il n'y a personne pour incarner véritablement ce système oppressant (sauf à la toute fin, mais c'est déjà trop tard). Tous les protagonistes qu'on nous présente sont déjà anti-système à leur manière, et la structure toute entière nous apparaît déjà comme fragile, pleine de fissures, et assez vulnérable finalement, puisqu'inconsciente de sa propre faiblesse. À aucun moment, on ne ressent ce poids écrasant du pouvoir sûr de lui et omniscient, comme Orwell a magistralement réussi à le décrire.

Le roman de Zamiatine s'achève ainsi sur une note d'espoir beaucoup plus optimiste que 1984. Pour autant, même si je salue cette pierre fondatrice du genre de la dystopie et que je suis admiratif d'avoir pu écrire un tel livre dès les années 20, je lui préfère tout de même ses successeurs.
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