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Critique de Patsales


J'ai lu ce roman dans sa version gratuite, traduite de l'anglais, puisque c'est tout récemment qu'il est enfin disponible en français à partir du texte russe. Mais je ne suis pas sûre que les problèmes de traduction suffisent à expliquer mon peu de goût pour la prose zamiatinesque. Pourtant l'oeuvre est assez sidérante pour donner envie de passer outre.
Inspiration avouée d'Orwell pour "1984", cette dystopie présente toutes les caractéristiques de l'univers totalitaire: surveillance de tous par chacun, noms remplacés par des numéros, vie réglée sous l'égide d'un chef bienveillant et immuable, refus de la famille, prééminence des sciences dures (seules capables d'atteindre la vérité), expansionnisme libérateur des peuples encore opprimés, etc. On ne s'étonnera donc pas qu'il ait été censuré par son pays en 1923 (le livre ayant d'abord été édité en Angleterre).
Oui mais bon. Ce roman qui semble si évidemment décrire le totalitarisme stalinien a été terminé en 1920. 1920! Il fallait quand même être sacrément doué pour déceler l'URSS de la belle époque (si j'ose dire) en pleine tourmente révolutionnaire.
Google mon ami m'apprend que Zamiatine avait déjà écrit "Les Insulaires", satire de la bourgeoisie anglaise (il construisait des navires russes en Angleterre), de son conformisme et du machinisme; or Taylor est un des guides de la dictature rationnelle dénoncée dans "Nous autres". Taylor, l'homme qui a inventé l'organisation scientifique du travail, déclaré la guerre à la flânerie... et qui marqua durablement Lénine.
La fameuse phrase "Le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme; le communisme c'est le contraire" m'a toujours semblé d'une sagesse indépassable. Les poètes prolétariens de l'époque révolutionnaire chantaient l'usine et le collectif, l'homme mécanique aussi puissant que la machine. Et Zamiatine, ingénieur amoureux des lettres, révolutionnaire qui avait eu l'occasion de se frotter au capitalisme, était bien placé pour comprendre à quoi pouvait aboutir la fascination pour le pire des deux mondes.
Il fut moins visionnaire que témoin lucide des utopies nées de la révolution industrielle. Même s'il ne proposa pour contrer l'homme futur que la femme-amante-et-mère (OMG!), Zamiatine mérite d'être lu et placé au panthéon des esprits libres.
(Pour aller plus loin: https://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1981_num_22_2_1910)
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