«La vieillesse commence par la perte du miel du rêve» (p224)
Location du dentier
Dès qu’il a rendu son âme à son créateur, ma grand-mère s’est précipitée pour retirer le beau dentier de la bouche de son époux. Elle l’a caché dans son corsage. Elle a lu une partie de la Fatiha, première sourate du Livre saint. Elle était toute contente. Les joues toutes rouges bombées! En retirant le dentier de la bouche du défunt, ma grand-mère Batoul a rajeuni de douze ans, un peu plus. Une lumière s’est installée dans son regard! Elle aussi rêvait d’un jeune homme qui chausse du 46, et plus, pour son lit ! Je soulève le dentier entre mes doigts; je le fixe, puis je le glisse au fond de mon verre de vin rouge renouvelé, plein !
Je commence à ne plus rêver comme il y a de cela dix-sept ans. La vieillesse commence par la perte du miel du rêve !
La femme, si elle n’est pas une ardente attente, elle est la cicatrice d’une incurable absence !
Le mariage n’est ni le gardien ni l’abri de l’amour. Le mariage n’est pas le destin heureux d’un amour ardent !
Je regarde Lara dans le fond bleu de ses yeux, je l’écoute. Elle était silencieuse mais bruyante. Je pense à cela : « La partie la plus intime d’une femme, tu ne l’auras pas pendant que tu la déshabilles, tu l’auras pendant que tu l’écoutes.
Le désert n'enfante jamais le printemps et le monde arabe n'est qu'un désert. (page 40)
Moi aussi avant de retrouver Harys comme compagnon attentif et fidèle, après que Farida a pris le chemin de la rupture, je me sentais seul, solitaire, isolé comme sur une île vide. L’île habite ma tête. Je ne suis pas Robinson. Je ne suis pas non plus Vendredi. Mais parce que Harys ne s’est jamais comporté comme mon serviteur, au fur et à mesure de notre vie commune, je sens que c’est à moi de jouer le rôle de Vendredi et aisément Harys se glisse dans la peau de Robinson.
Moi je n’aime pas l’eau de la pluie. Dès qu’il commence à pleuvoir, j’imagine Dieu dans ses cieux en train de pisser sur nous ou de pleurer à cause des bêtises humaines commises sur cette terre : les guerres, les haines, les infidélités. Et je deviens triste. Sombre, je ne bouge pas de mon tapis. J’ai de la peine pour le Créateur, qui a fait en six jours ce magnifique univers pour des mécréants. Les hommes sont méchants et ingrats envers le Créateur.
Hormis les chiens, toutes les autres créatures sont infidèles. Impropres.
J’appartiens à la race (je n’aime pas ce mot) des fidèles. La fidélité. La chiennerie-art ! Les hommes sont sculptés dans la haine et les guerres tandis que nous les chiens, nous sommes les êtres du cœur !