Des BD sur le marsupilami, il en existe un paquet : des biens, des moins biens, et à vrai dire surtout des moins biens. Sauf que voilà deux ans,
Frank Pé nous avait consacré une pépite (comme à son habitude) de 150 pages sur la bestiole, scénarisée par
Zidrou. Il termine ici son diptyque avec 50 pages de plus : le tome 1 laissait tout le monde sur sa faim, mais son excellente tenue présageait d'une suite exemplaire. Donc, c'est forcément le cas ? Hélas, non, pas franchement. Si le tome 2 de la Bête n'a rien de honteux, il est assez éloigné de la transcendance à laquelle je pouvais m'attendre.
Nous reprenons donc le récit là où nous l'avions laissé, avec un marsu aux prises avec des autorités peu soucieuses de son bien-être et un Frantz qui va tout faire pour qu'il puisse leur échapper. Mais la série procède également à un éclatement des points de vue afin d'apporter de la nuance à des personnages secondaires jusque-là assez monolithiques : c'est l'occasion de créer des situations comiques, puisque même les plus insupportables finissent par devenir attachants tant leur bêtise devient hilarante ; mais également d'explorer plus en profondeur les rapports des différents enfants avec la Seconde guerre mondiale et d'expliquer que non, décidément, à cette époque rien n'était simple.
Le fait de péter les digues est toujours aussi appréciable chez
Zidrou et
Frank Pé : ils parlent de l'enfance mais sans pour autant faire des albums pour enfants, des thèmes et des allusions très matures pouvant s'y glisser (sauf que ce sont des artistes qui ont une éthique, pas des sacs à merde, contrairement à un certain Gérard D.). Bon, ce coup-ci c'est plutôt léger, il y a juste l'hypothèse d'une maladie, hum, particulière, qui pourrait se transmettre du marsupilami à l'homme, et qui personnellement m'a faite hurler de rire.
Hélas, la montée en tension progressive qui débouche sur une course-poursuite effrénée ne parvient pas à me faire oublier les défauts du scénario. Disons que c'est très, très inspiré d'E. T. l'extraterrestre. Revu à la sauce belge, assaisonné des frites et des oignons qui vont avec, mais les rebondissements et thématiques sont sensiblement les mêmes : un enfant sans père, oppressé par le monde qui l'entoure, qui va se trouver un ami étranger et fantasque, lequel va l'aider à passer à l'âge adulte en CRCRCRCRCRCRRR puis en CRCRCRCRCRRR, ce qui va également transformer la mentalité de son entourage avant qu'il ne CRCRCRCRCRR chez lui (oui, moi aussi je fais du cryptage, Bolloré n'a plus qu'à bien se tenir).
Vient ensuite un point qui à mon sens est très dommageable : le cas de l'instituteur, M. Boniface. Pour avoir lu tout de même quelques autres albums de nos deux lurons, je devine qu'il s'agit du personnage qui leur ressemble le plus, qui va porter leur voix au sein du récit. Hélas, il ne fait rien de tout l'album : si à un moment donné il décide de se prendre en main, ce n'est que pour devenir un témoin impuissant ne prenant pas part aux péripéties ; s'il est un soutien moral pour la mère de Frantz, au final ce n'est pas lui qui va l'aider à surmonter son mal-être mais un autre personnage jusqu'ici d'importance bien moindre. À la fin de l'album, au final, qu'est-ce qui a évolué chez lui ? Tous ses actes ont été sans gravité, et seul un timide espoir de changement nous est esquissé. À mon sens, il y a un coche important qui a été manqué.
Le tome 2 de la Bête est donc un de ces livres drôles et touchants qui redonne foi en l'Humanité et en l'altruisme, à l'image de Tobie Lolness ; mais tout de même, dans le cadre du Spirouverse,
Zidrou m'avait habitué à mieux. Qu'importe : quand nous quittons enfin la noirceur de la Belgique pour la luxuriance multicolore de la Palombie, c'est une véritable délivrance qui s'abat sur nous et sur le crayon de
Frank Pé, pouvant enfin déchaîner sa passion des pays étrangers en une multitude d'arabesques radieuses. Je compte donc bien continuer à suivre ces deux bédéistes, parce qu'après tout, c'est pour ma culture…
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