- Vous prenez plutôt bien la situation, je trouve.
- Faire médecine demande des nerfs d'acier... et d'excellentes prédispositions pour le déni. Je paniquerai plus tard.
- James ?
- Oui ?
- Bonne nouvelle, grinçai-je. Quelque chose de positif.
- Oh !
Il tapota le volant, fronçant les sourcils.
- Le Central m'a rappelé pendant que tu étais dans les vapes : on a attrapé l'éléphant.
Beaucoup de gens pensent qu'il faut être fasciné par la mort ou avoir subi un traumatisme pour s'intéresser à la médecine légale. En réalité, j'ai choisi cette profession pour des raisons tout à fait banales. Pour commencer, il y a le facteur responsabilité. Quoi que je fasse, je n'aurai jamais de mort sur la conscience. Un médecin dont les patients sont vivants peut les sauver, mais il court aussi le risque permanent d'en tuer un. Au cours d'une opération, mais aussi à cause d'un mauvais diagnostic ou parce qu'il n'a pas décroché son téléphone un jour où il était de garde. C'est un poids avec lequel je ne serais pas capable de vivre.
[...]
Et puis, j'aime travailler dans une morgue. Je sais que c'est étrange, mais il y a une ambiance particulière. J'aime l'odeur, les bruits et le calme. Les patients qui attendent leur tour en silence au lieu de crier parce que je suis en retard et de remettre mes diagnostics en question.
[...]
En réalité, il y avait une troisième raison.
[...]
Moi, je m'étais sentie étrangement proche de ce patient froid et silencieux allongé sur la table. Il n'avait pas de voix. Aucun moyen d'exprimer sa frustration, sa colère, sa douleur ou sa tristesse. Un corps manipulé par d'autres, qui n'aurait plus l'occasion de se tenir sur ses deux jambes pour leur échapper.
Comme l'avait dit mon père à l'époque, les gens intelligents ne savent jamais rien faire de simple ou d'utile.
Il ne bougeait plus et sa tête formait un angle peu naturel avec le reste de son corps. Les baffles de l'ordinateur produisaient sur grésillement assourdissant.
Je poussais un hurlement.
PERDU
Cadavre - homme blanc, raide et froid
Grande valeur sentimentale
Forte récompense
Si vous l'avez vu, contactez ALICE CRANE
Je respirai à fond pour éviter de faire une remarque désagréable et tournai la tête vers le chariot métallique situé au milieu de la salle d'autopsie. Là où j'avais examiné le corps le matin même.
- Le corps n'avait pas été identifié et le dossier que j'avais commencé à constituer est également introuvable, dis-je, pour revenir à l'affaire qui nous concernait.
Ma voix tremblait un peu. Pourquoi fallait-il que cela arrive le jour où le Dr Fritz était à une conférence ? Le premier jour ou j'étais responsable du service ?
- Vous l'avez laissé en plan pour aller casser la croûte ? demande le roux balafré.
Il éclata de rire.
- Les génies, c'est plus ce que c'était, hein ?
- Mais...oui, répondis-je, soudain exaspérée. Il ne risquait pas de s'enfuir !
- La preuve que si, intervint l'agent Flynn.
Les humains craignent ce qu'ils ne connaissent pas. Lorsque quelque chose nous effraie, nous détournons le regard pour ne pas avoir avoir à nous y confronter. C'est une erreur.
J’essayai de garder le silence, mais trop de questions se bousculaient dans ma tête. Des vampires, des cadavres qui se relevaient! Je devais avoir raté un cours sur la théorie de l’évolution.
J'ai déjà beaucoup d'ennemis, je n'ai pas le temps de me méfier aussi de mes alliés