AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Arthur409


La joie de vivre ! Quel titre ironique, se dit-on en refermant ce roman ! Car ce sont surtout des malheurs, des rêves perdus, des désillusions que nous avons vécu.
Dans ce volume, le nombre de personnages est restreint, un peu comme dans « Une page d'amour ». Nous retrouvons une figure déjà évoquée dans « le ventre de Paris », Pauline, fille des charcutiers Quenu. La voilà orpheline suite au décès de ses parents, et recueillie par les Chanteau, des cousins vivant au bord de la mer en Normandie. Ceux-ci ont un fils, Lazare, plus âgé que Pauline, qui a énormément de mal à trouver sa voie dans la vie. Rêveur, instable, il se construit des projets dans tous les domaines, alors que Pauline tombe peu à peu amoureuse de lui. N'en disons pas plus sur la trame du roman, exploitée comme toujours avec énormément de talent par Zola.
Le thème directeur du livre, pour moi, est la force de la vie face à l'hostilité des éléments et à la mort.
Et Zola a appuyé son discours sur la plus belle manifestation de la vie, la maternité. Il aborde de façon directe avec Pauline la découverte par la jeune fille de la puberté, dans des pages qui ont sans doute choqué plus d'un lecteur à l'époque. Mais un des passages les plus forts du livre, pour moi, décrit la lutte menée toute une nuit par le médecin qui assiste Louise, amie de Pauline, pour accoucher d'un fils vivant, malgré des circonstances qui auraient pu être fatales à la mère et à l'enfant.
La force de la vie, c'est aussi la bonté et la charité manifestées par Pauline vis-à-vis d'un entourage qui n'en est que rarement reconnaissant, c'est le moins qu'on puisse dire. Certains ne s'intéressent à elle qu'en raison de l'héritage reçu de ses parents. Les pauvres du village, qu'elle secourt avec constance, ne songent qu'à la voler. Et son amour pour Lazare n'est que peu payé en retour. le personnage de Pauline m'a d'ailleurs paru idéalisé, c'est presque une sainte !
« L'orgueil de son abnégation s'en était allé, elle acceptait que les siens fussent heureux en dehors d'elle. C'était le degré suprême dans l'amour des autres : disparaître, donner tout sans croire qu'on donne assez, aimer au point d'être joyeux d'une félicité qu'on n'a pas faite et qu'on ne partagera pas. »

Face à cela, les forces destructrices ne manquent pas. Elles sont symbolisées par la mer, qui inlassablement ronge le rivage normand, détruit à chaque tempête quelques maisons du village, et balaie impitoyablement le chimérique projet de Lazare qui croyait la contrer par un système de jetées et d'estacades en bois.
« Elle ne répondit pas, elle continua de le suivre jusqu'à la plage. Là, des épis et une grande estacade, qu'on avait construite dernièrement soutenaient un effroyable assaut. Les vagues, de plus en plus grosses, tapaient comme des béliers, l'une après l'autre ; et l'armée en était innombrable, toujours des masses nouvelles se ruaient. de grands dos verdâtres, aux crinières d'écume, moutonnaient à l'infini, se rapprochaient sous une poussée géante ; puis, dans la rage du choc, ces monstres volaient eux-mêmes en poussière d'eau, tombaient en une bouillie blanche, que le flot paraissait boire et remporter. Sous chacun de ces écroulements, les charpentes des épis craquaient. Un déjà avait eu ses jambes de force cassées, et la longue poutre centrale, retenue par un bout, branlait désespérément, ainsi qu'un tronc mort dont la mitraille aurait coupé les membres. Deux autres résistaient mieux ; mais on les sentait trembler dans leurs scellements, se fatiguer et comme s'amincir, au milieu de l'étreinte mouvante qui semblait vouloir les user pour les rompre. »

Et puis, il y a la mort. Celle qui va emporter Mme Chanteau, qui avant de mourir devient paranoïaque et accuse Pauline des pires intentions. La mort qui obsède Lazare, au point de l'empêcher d'affronter la réalité.
« Quelle joie de recommencer ailleurs, parmi les étoiles, une nouvelle existence avec les parents et les amis ! Comme cela aurait rendu l'agonie douce, d'aller rejoindre les affections perdues, et quels baisers à la rencontre, et quelle sérénité de revivre ensemble immortels ! Il agonisait devant ce mensonge charitable des religions, dont la pitié cache aux faibles la vérité terrible. Non, tout finissait à la mort, rien ne renaissait de nos affections, l'adieu était dit à jamais. Oh ! Jamais ! Jamais ! C'était ce mot redoutable qui emportait son esprit dans le vertige du vide. »

Mais à la conclusion, alors qu'un personnage vient encore de mourir, c'est Monsieur Chanteau, dont la vie est devenue un enfer à cause de crises de goutte qui le bloquent sur un fauteuil dans des douleurs abominables, qui proclame la force ultime de la vie. Et Zola rejoint ici le bon Jean de la Fontaine, qui affirmait à la fin de sa fable « La Mort et le bûcheron » :
« Mieux vaut souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes. »
Commenter  J’apprécie          181



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}