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Critique de michfred


Petite mise au point préalable:
- les récits de guerre , les longues explications stratégiques m'ennuient au plus haut point.
-même dans Les Misérables, relu trois fois,  l' interminable évocation de la bataille de Waterloo  a sur moi un effet soporifique garanti.
-je croyais naïvement que La Débâcle parlait de ma chère Commune de Paris: seule la semaine sanglante sert de théâtre tragique à sa conclusion.

Que diable allais-je donc faire dans cette Débâcle où les armées françaises s'enlisent dans l'hésitation, les revirements, les ordres et les contre- ordres avant de se faire piler vilainement à Sedan, puis trimballer, affamer, essorer de camp en camp , tandis que, dans la ville, des ambulances de campagne se transforment en boucheries, sans pansement, sans morphine, sans médecins -sang, sang, sang, par contre, beaucoup de sang- , et que les chevaux de cavalerie, démontés, débandés, déchaînés deviennent des hordes cannibales qui ravagent, mordent et tuent, rendues folles par la peur, l'abandon et la faim?

Eh bien la réponse est déjà dans ma question, laquelle  s'est laissé emporter,  malgré toutes les préventions évoquées plus haut,   par l'extraordinaire puissance de cette chronique en rouge et noir d'une défaite annoncée.

La Débâcle,  je l'avoue, oui, j'ai kiffé grave!

Dans ce maelstrom d'armées en déroute,  de soldats perdus, de généraux incompétents et sans fesse -Mac-Mahon, ce sinistre guignol, a perdu la sienne dans la bagarre!- sous le regard aussi navré qu'impuissant d'un Napoléon III quasi moribond, ridiculement escorté, sur le champ de bataille, par la cohorte rutilante  de ses bagages  et tout a fait dépassé par les événements , se déroule le grand rouleau compresseur de la défaite, de la chute et  de la honte. "Cinquante ans avaient suffi,  le monde était changé,  la défaite s'abattait, effroyable, sur les éternels vainqueurs. " rappelle,  cruellement , Zola.

Pour donner une échelle humaine susceptible de mesurer l'ampleur de ce désastre, deux personnages: le paysan et le lettré,  le terrien et le bourgeois, le conservateur et le révolutionnaire -en tout cas deux ennemis de classe-  Jean Macquard et Maurice Levasseur, d'abord hostiles l'un à l'autre, vont, au gré des périls et des péripéties, se rapprocher, devenir plus que des frères d'armes: des frères tout court!

Quelques personnages secondaires , éparpillés comme des santons sur l'échiquier guerrier permettent à Zola, au prix de quelques coïncidences un peu forcées, d'avoir le don d'ubiquité qui donne chair, sang et perspectives à ce récit formidablement mené. 

Les rythmes lents, les mouvements confus du début , deviennent  cavalcades véhémentes, charges furieuses, débandade éperdue, sous l'entropie dévastatrice de la débâcle. La guerre fait aussi son tri parmi les hommes et les femmes, distinguant les héros et les lâches, les victimes et les traîtres, les profiteurs et les purs, les assassins et les sauveurs.

C'est le grand révélateur de l'âme humaine.

Et, quittant Sedan où nous n'avons que trop piétiné, c'est un  Paris exsangue, cerné par Prussiens et Versaillais, une  Commune mise à feu et à sang, qui prête sa scène tragique aux  retrouvailles de Jean et Maurice, les deux amis...

Je n'en dirai pas plus! Laissez-vous emporter par la Débâcle. ..

Du grand Zola !
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