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Critique de xalatan


Voilà un livre choc, qui laisse sans voix. Très bien écrit, puisque l'auteur en est Stefan Zweig et qu'on ne présente plus sa plume, le livre se lit comme une enquête, un thriller juridique (mais avec les bûchers en plus) et intemporel, puisque la violence a, malheureusement, pauvres de nous, toujours raison, et que la voix de la conscience, défendant la liberté de penser est vite écrasée.

Nous sommes ici au début du 16è siècle et Calvin dirige Genève d'une main de fer. Les premiers chapitres décrivent avec brio la personnalité de Calvin vu par Zweig, et son ascension au pouvoir. Sincère mais despotique, il veut le meilleur pour sa ville, et tout le monde surveille tout le monde pour vivre dans le droit chemin. Surgit Servet, un illuminé, qui réfute le dogme chrétien de la Trinité. Fuyant l'Inquisition catholique, il tente de se réfugier à Genève mais son comportement est tel qu'il en sera chassé. Convaincu d'avoir trouvé la vraie doctrine, il multiplie les provocations, monte une imprimerie clandestine, vit sous un faux nom et cherche à publier ses écrits. Calvin essaie tout d'abord de le dénoncer à l'Inquisition catholique, mais Servet, par bravade ou pour une autre raison inexpliquée, revient à Genève et provoque Calvin jusque dans son église ! C'en est trop pour ce dernier qui va le faire arrêter, condamner pour hérésie, et brûler vivant en place publique.

Entre en scène Castellion, qui s'était fait discret, réfugié à Zurich, après avoir été chassé de Genève des années auparavant par Calvin. Castellion est un érudit, discret, humaniste. Il fait publier un « traité des hérétiques » sous un nom d'emprunt, dénonçant les crimes commis à leur encontre, suivit de près par le texte « Contra libellum Calvini », dans lequel il inculpe Jean Calvin de meurtre commis sur la personne de Michel Servet. Un chapitre entier y est consacré, présentant les arguments de Castellion point par point. Castellion y met Calvin dans l'impossibilité de justifier son acte en invoquant un ordre supérieur, émanant de Dieu : pour lui, il n'y a pas de commandement divin ou chrétien qui ordonne la mort d'un homme. « Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme. »

Mais, comme le dit Castellion lui-même dans son pamphlet, il n'est que « le moucheron contre l'éléphant », et la répression sera terrible, il sera poursuivi, insulté, et très vite accusé d'hérésie du fait de son amitié avec un ancien anabaptiste. Il meurt cependant subitement avant que l'étau ne se referme sur lui.

Bien sûr, le livre est beaucoup mieux écrit et plus complet que ce que je ne vous raconte ici. Zweig distingue beaucoup mieux les subtilités entre le pouvoir religieux et le pouvoir temporel dont dispose Calvin à Genève, ainsi que le fait Castellion lui-même dans ses écrits. Zweig maîtrise également beaucoup mieux les différentes doctrines (Luther, Calvin, prédestination, anabaptisme, Inquisition catholique et d'autres encore) dont il est question dans le livre.

Son propos est de souligner combien un doctrinaire, même habité des meilleures intentions du monde, peut en venir à oublier toute humanité quand il détient le pouvoir et que l'on ne pense pas comme lui.

Castellion écrira : "Je ne vous envie ni votre force ni vos armes. J'en ai d'autres, la vérité, le sentiment de la justice, et le nom de celui qui me vient en aide et m'accordera sa grâce. Même opprimée pour un certain temps par ce juge aveugle qu'est le monde, la vérité ne reconnaît aucune force au-dessus d'elle. Laissons de côté le jugement d'un monde qui a tué le Christ, ne nous soucions pas de son tribunal, devant lequel seule triomphe la cause de la violence. le véritable royaume de Dieu n'est pas de ce monde."

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