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Critique de saigneurdeguerre


Mesdames et Messieurs, bienvenue à bord de ce paquebot qui a quitté New York pour se rendre à Buenos Aires.

Nous allons assister à une confrontation inédite dans une partie de jeu d'échecs d'une rare intensité qui va opposer Czentovic, champion du monde qui n'a pratiquement jamais été vaincu, et un parfait inconnu pour tout qui s'intéresse aux échecs, M. B. Hé, oui, ce monsieur tient beaucoup à son anonymat et prétend ne pas avoir touché une pièce de jeu d'échecs depuis vingt ans ! Faut-il le croire alors qu'il est intervenu hier dans une partie, où, à plusieurs, nous affrontions l'invincible Czentovic et, avouons-le, où notre situation était désespérée. L'intervention de M. B. a permis de décrocher un match nul inespéré.

Aujourd'hui, les deux hommes vont s'affronter seuls à seuls ! M. B. réussira-t-il à envoyer au tapis l'incontestable champion du monde, Czentovic ?

Critique :

Les passionnés de jeux d'échecs risquent d'être déçus car ce livre ne livrera aucune tactique révolutionnaire. C'est avant tout un drame que rapporte Stefan Zweig. le drame d'un homme, M. B., mais peut-être aussi celui de Czentovic, qui, bien que champion du monde d'échecs ne semble s'intéresser qu'à ce jeu et au fric, au pognon, au pèze, au flouze, au grisbi ! Rien d'autre ne semble mériter son attention en ce bas-monde.

Les deux hommes sont aussi opposés qu'on peut l'être ! A ma gauche, le sieur Czentovic, d'une placidité sans borne, d'un calme inébranlable… Paysan orphelin issu d'un bled paumé, presque illettré, pratiquement incapable de calculer, sans culture, mais un don incroyable pour vaincre aux échecs. A ma droite, le distingué et frêle M. B. que rien ne destinait à devenir, malgré lui, un immense joueurs d'échecs…

Ce livre porte avant tout sur l'enfermement, l'isolement. M. B., un Autrichien, d'une respectable famille de banquiers a été arrêté par la Gestapo. Contrairement à la plupart des personnes arrêtées par cette police criminelle (comprenez : une police composée de criminels), il n‘a pas été envoyé en camp de concentration. Pas de Dachau pour lui, mais un traitement peu enviable puisqu'il se retrouve enfermé dans une chambre d'hôtel avec pour seule compagnie un lavabo, une table, une chaise, un lit… et une fenêtre avec des barreaux dont la vue porte sur un mur aveugle… Son seul contact quotidien est avec son gardien qui ne lui adresse jamais la parole, ne le regarde même pas dans les yeux, lorsqu'il lui apporte son repas. Les seuls qui lui parlent, ce sont les sbires qui lui adressent la parole pour le questionner sur les activités bancaires de sa famille car ils tiennent à mettre le grappin sur l'argent qui a été confié à sa respectable parentèle. M. B. n'a rien à lire, rien pour écrire. Rien pour s'occuper l'esprit, pour faire passer le temps.

Un jour, il ose commettre un vol dans sa prison. Cela va changer sa vie…
Qu'on le veuille ou non, dès qu'on commence à lire ce livre, on est emporté sans même s'en rendre compte par le style de Stefan Zweig, admirablement traduit, dans la version que j'ai lue, par Jean Torrent qui arrive à nous faire oublier qu'il s'agit là d'une traduction de l'allemand tant ses phrases sont fluides.

Pour mémoire, ce récit, cette espèce de nouvelle, a été l'une des dernières oeuvres de Stefan Zweig puisqu'il l'a achevé en février 1942 et qu'il se suicide au Brésil le 22 février de cette même année.

Un conseil : avant d'entreprendre la lecture de ce récit, ne lisez pas la préface de Carine Trevisan intitulée « Penser sous la menace » ! Lisez d'abord l'oeuvre de Zweig, et puis plongez-vous dans l'écrit de madame Trevisan qui est fort intéressant mais qui en dit trop et spolie le récit de Stefan Zweig.
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