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Critique de Daniel_Sandner


Retour de lecture sur “Marie-Antoinette” de Stefan Zweig publiée en 1932. C'est une biographie très complète, de cinq cents pages avec une pagination relativement dense de cette reine, qui fut longtemps la plus méconnue de l'histoire de France. Stefan Zweig fut le premier à pouvoir consulter intégralement les archives de l'Empire autrichien, et être capable grâce à cela, après un gros travail complémentaire de recherches, d'établir une biographie très juste et complète de ce que fut vraiment sa courte vie. Cet auteur est surtout connu pour ses nouvelles qui sont fantastiques, pouvoir bénéficier de sa plume dans ce travail de vulgarisation historique est un grand bonheur. Il arrive à rendre la vie de cette femme vraiment passionnante. On lit cela comme on lirait un roman de fiction, tellement l'auteur arrive à y insuffler une dimension romanesque impressionnante, tout en gardant une forme très sérieuse et une rigueur historique permanente, même si cette dernière, vu la date de ce travail, mériterait peut-être quelques mises à jour. Ce livre est passionnant du début à la fin pour quelqu'un qui aime la belle littérature et l'histoire, on ne s'ennuie pas une seconde. Cette biographie est particulièrement riche, détaillée, bien construite et claire, elle est découpée en une succession de chapitres qui sont à chaque fois des épisodes, des affaires ou des événements de la vie de Marie-Antoinette. On apprend ainsi beaucoup de choses sur la vie au château de Versailles ainsi que sur la vie du couple royal. Il est amusant d'apprendre par exemple que la vie sexuelle du couple et leurs problèmes intimes étaient quelque chose de public et que le monde entier était au courant des détails. Tout comme les accouchements de la reine, qui n'étaient nullement d'ordre privé, toute la famille royale ainsi que de nombreux dignitaires y étaient invités comme à un spectacle. On comprend aussi avec ce roman tous les détails passionnants concernant l'affaire du collier, pourquoi ce fait divers a été si important, à quel point il a marqué son époque et quelles ont été ses nombreuses répercussions. Accessoirement c'est aussi le premier roman que je lis qui parle de ma ville de Saverne, qui était avec son château alors surnommé le “Versailles alsacien” un lieu de rencontre de la fine fleur de l'époque et qui met en scène des personnages historiques qui y sont liés, comme le cardinal de Rohan ou le sulfureux mage Cagliostro. A travers le destin tragique de cette femme on a un récit palpitant sur la genèse de la révolution française, on voit comment peu à peu le peuple, mais aussi la noblesse et la bourgeoisie, se sont lassés de cette monarchie à bout de souffle, incarnée par un roi sans caractère, incompétent, et une reine devenue impopulaire, pour basculer dans une spirale et un processus incontrôlable qui a tout balayé. Les détails de la révolution, tels que Zweig nous les explique sont passionnants, on n'est pas dans un livre d'histoire, même si tout est parfaitement détaillé, mais dans une aventure humaine qui n'oublie jamais la dimension psychologique et la manière dont les événements sont perçus et interprétés par les protagonistes et les foules. Tout est passionnant dans ce livre, l'épisode de la fuite jusqu'à Varennes avec l'arrestation, ensuite la nuit sur place, puis le retour, est décrit avec un réalisme impressionnant, on a vraiment l'impression de vivre tout cela au plus près, dans le carrosse, et de ressentir tout le désarroi du couple royal. On assiste chapitre après chapitre à la chute de cette monarchie à travers la déchéance de cette femme, abandonnée de tout le monde, à qui on n'a épargné aucune ignominie, et qui fût, encore peu de temps avant, la reine du rococo. Quand l'art de l'écriture de Zweig se met au service de l'histoire, cela donne quelque chose de vraiment passionnant et de captivant. le film éponyme de Sofia Coppola, met magnifiquement en images la vie de cette femme à Versailles, et constitue un complément parfait à cette lecture. Stefan Zweig était un écrivain génial, je connaissais le romancier et je viens de découvrir le biographe. Bref, vous l'aurez compris, j'ai adoré cette lecture.

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"La gigantesque statue de la liberté mise en face de la guillotine: inaccessible déesse, la tête couronnée du bonnet phrygien, l'épée à la main, médite silencieusement. Ses yeux fixent, au-delà de la foule éternellement mouvante, bien au-delà de la machine meurtrière, quelques points lointains et invisibles. Elle ne voit pas les choses humaines autour d'elle, elle ne voit ni la mort, ni la vie, cette mystérieuse déesse de pierre aux yeux rêveurs et éternellement adorée. Elle n'entend pas les cris de tous ceux qui l'appellent, elle ne s'aperçoit pas des couronnes qu'on dépose à ses genoux, ni du sang qui fume la terre à ses pieds. Symbole d'une éternelle pensée, étrangère parmi les hommes, elle est là muette, et fixe dans le lointain son but invisible. Elle ne sait pas et ne cherche pas à savoir ce qui se passe en son nom."
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