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Citations sur Sur le Mont Gourougou (13)

Aux mères de ceux qui n'atteignent jamais leur but.
D'autres viendront , qui parleront de ces chemins
qu'à bout de force ils n'ont pu parcourir.
Ce qu'on ignore, c'est si cela servira de réconfort. (p.7)
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Nous sommes dans la forêt et nous faisons à manger pour tenir debout. Nous ramassons du bois, descendons jusqu’au quartier Farkhana acheter du poisson, ou montrer qu’on en achèterait bien ; ainsi, si nous croisons des âmes charitables, elles nous en donnent à force d’insistance. En tout cas, si elles nous en donnent, ce n’est jamais un morceau très charnu, plutôt les têtes ou les arêtes. La nuit, avant de dormir, il fait froid, encore plus froid que si nous étions sur les rives du fleuve Ruo, où je suis né, où j’ai vu naître tous ceux que j’ai laissés derrière moi en partant à la recherche d’autres fleuves et d’autres rives. Après manger, s’il y a de quoi, nous réchauffons nos mains, nous nous recroquevillons sur nos cartons, sous nos couvertures, et nous nous racontons des histoires. Alors je fais comme si je n’avais aucune histoire à raconter, comme si je n’avais rien à dire. En réalité, je sens que si je me mettais à parler, je ne m’arrêterais plus, et les gens se diraient que c’est une mauvaise habitude prise dans mon village, de ne pas laisser parler les autres ; s’ils entendaient ma voix défaillir, ils croiraient que je joue la comédie et cherche à les tromper. Alors je garde la bouche fermée et me contente d’écouter ceux qui ont la bonté de partager leur histoire. Il n’y avait pas, dans cette résidence temporaire où nous étions installés, de raisons de se réjouir, et toute personne capable de dépasser notre réalité immédiate pour nous sortir de notre quotidien était un héros. Oui, un véritable héros qui, ayant toutes les raisons de se plaindre du matin jusqu’à l’heure venue de mettre ses mains entre ses cuisses pour essayer de dormir, avait la force de raconter quelle avait été sa vie avant d’atterrir ici. Un type comme Peter, par exemple. Il portait une barbe à croire qu’il ne s’était jamais rasé. Dans son village, on l’appelait Ngambo, dit-il. Il racontait qu’il avait été porteur, mais ne disait ni de qui ni de quoi ; il était déjà très généreux de partager son histoire. Ngambo disait n’avoir jamais songé à quitter son pays, il s’y était résolu parce que son père avait été la victime d’une injustice. Chaque fois qu’il mentionnait son père, il se redressait pour qu’on entende bien les détails de son histoire, pour qu’on n’ait aucun doute sur le caractère extraordinaire de son géniteur. Sans chercher pourtant à trop en faire, il voulait simplement que rien ne nous échappe.
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Bonjour monsieur. On ne se connaît pas, mais je suis venu te voir car je dois t’expliquer ce qui se passe là-haut, tout près d’ici. Nous sommes environ cinq cents noirs, tous africains, et nous voulons vivre, tu comprends ? Nous voulons vivre. Et vivre, chez les Africains, est une affaire sérieuse, parce que c’est souvent très difficile, et beaucoup de gens y arrivent à peine. Nous nous trouvons dans un endroit qu’on appelle le Gourougou, nous sommes divisés e plusieurs groupes selon les langues, deux principalement : il y a ceux qui parlent français et ceux qui parlent anglais. Mais il y en a d’autres plus petits, qui rassemblent tous ceux qui parlent uniquement leur langue, celle de leur village. Et nous passons nos journées à jouer au football, très souvent avec des ballons plus petits qu’une grosse orange. Nous avons besoin de manger, tu comprends, monsieur ?
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Ils devaient agir comme s'ils étaient réellement fous, ne pas avoir honte de quémander à manger, et le faire dans une langue inconnue, oublier toute inhibition pour affronter la réalité.
On le comprend, cet homme qui aurait aimé perdre la raison. Tu es majeur, tu es noir, tu te retrouves sur un mont désert surveillé par des policiers marocains qui ne veulent pas de toi à cet endroit. Tu as beaucoup de trous à l'estomac, et les arbres du mont ne donnent pas de fruit, même pas amers. Il te faut descendre jusqu'aux lumières civilisées de la ville. Regardez, citadins, vous savez bien que nous sommes là puisque vous ne nous avez pas ouvert les portes de vos maisons et que le centre d'accueil est plein à craquer. Nous n'allons pas nous laisser mourir de faim juste pour satisfaire le chef de la police, alors nous sommes venus vous demander quelque chose à manger.
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Là où je suis né, on devient adulte en découvrant que les jeux sont déjà faits, que les histoires sont déjà racontées et les interdictions, déjà proférées.
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Dans tous les cas, la chose la plus importante était de rester en mouvement, courir jusqu’à ce que la nuit noire empêche de bien voir, et jusqu’à ce que, de nouveau, les illusions s’illuminent à la vue des lumières des villes voisines, car si elles ne sont pas encore l’Europe, ce sont des lumières, c’est-à-dire beaucoup de vies prospères qu’ils peuvent sentir toutes proches, avant le grand saut.
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Ce n'était pas la première fois qu'un noir mourait en essayant d'atteindre la terre européenne, ou espagnole, mais cette fois-ci on pouvait affirmer qu'on leur avait tiré dessus. C'est ce dont j'avais besoin pour savoir que mes doutes étaient fondés. On dira ce qu'on voudra, mais nous pouvions affirmer qu'on les avait empêchés d'arriver jusqu'à la plage ; j'en étais convaincu, mais j'ai commencé à réfléchir. Et je me suis souvenu d'histoires africaines semblables à la nôtre. Si tu entres de force quelque part, disait-on souvent dans mon village, tu n'en sortiras peut-être pas entier. Si on le disait dans mon village, et que le dicton était connu dans le village voisin, et dans le suivant, d'un autre pays, ça ne pouvait pas être une vérité hasardeuse. Auparavant, je pensais qu'on nous chassait parce que nous n'avions pas de papiers, que nous prétendions entrer en Europe sans papiers. Mais comment pouvaient-ils s'attendre à ce que quiconque ait des papiers dans une traversée à la nage ? Dans quelle partie de son corps devrait-on ranger le supposé papier ? Dans des pays développés, on tuerait donc le premier venu pour n'avoir pas de papiers ? Bien sûr que non, ce n'était pas ça. Pour eux c'était juste un bon prétexte.
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A en juger par mes origines géographiques, nul ne se serait attendu à ce que mes pas me mènent jusqu'au mont Gourougou, car personne n'aurait imaginé que je prenne un chemin aussi tortueux. En effet, on aurait pu s'attendre, si mon pays m'avait recraché, à ce que ce soit dans la mer, qui était toute proche, à moins de lui tourner le dos. Autrement dit, si je traçais une ligne depuis mon pays jusqu'au Gourougou, elle ferait plein de détours, comme l'histoire qui m'a fait prendre la route au tout début.
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Depuis le Mont Gourougou, le futur était celui de tous les possibles ; on y voyait tous les pas à faire encore pour satisfaire les espoirs caressés, le chemin qu'il restait à parcourir pour marcher sur les traces de Samuel Eto'o. Et les occupants étaient si appâtés que beaucoup de ceux qui jouaient au football sur le mont croyaient l'exercice utile pour le jour où ils seraient repérés par Chelsea ou le FC Barcelone. Ainsi, ils s'appliquaient à essayer toutes les passes et les feintes pratiquées par leur chef-président.
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Parce qu'au fond, puisqu'on ne savait pas précisément où ces choses étaient décidées, on ne pouvait pas en parler. C'est ainsi que les choses de l'Afrique, toutes, restaient tues. Et l'histoire d'un continent qui se vide pour en remplir un autre doit être racontée depuis là où elle se fait. Sinon, ce serait comme avoir un objet en deux morceaux, dont l'un se serait perdu.
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