Ce 3ème et dernier volume débute au matin du 3ème jour de la révolte des Canuts à Luon en novembre 1831. Les combats de la veille ont fait des ravages mais ouvert la mairie aux révoltés. Une victoire à la Pyrrhus même si on ne pourra jamais dénombrer les victimes de cet épisode sanglant de l'histoire de France. Une victoire toute relative aussi au moment où la politique et les politiciens, le Roi et ses Banquiers reprennent la main...



Le fond, la forme et l'humanité profonde de cette trilogie culminent dans ce 3ème volume même si on y parle un peu plus que lors des combats de la veille. On y trouve la même empathie pour tous les personnages, qu'ils soient ouvriers, chefs d'ateliers, simples militaires ou anciens officiers de l'Empire. Christophe Girard donne la voix et leurs traits à chacun, du plus anonyme au plus célèbre. Le clin d'œil final donne aussi un éclairage particulier au récit entamé - et fini donc - du point de vue d'Anselme Pétetin, nommé et envoyé à Lyon au début du triptyque en tant que directeur du Précurseur. Sa sensibilité progressiste tirera le journal du côté des révoltés. Du côté de la parole sociale et économique plutôt que de la politique.



C'est tout ce qu'on retrouve aussi dans la vision et l'interprétation moderne de Christophe Girard, avec un regard lucide, triste et désabusé sur les négociations, intimidations, ralliements, abnégations et récupérations de l'après-révolte.



À lire, vivre et regarder comme une page d'histoire on ne peut plus vivante et actuelle.

La tension, la vérité, l'émotion : on retrouve dans cet album tout ce qui nous a captivé et tenu en haleine dans le tome 1. Tout ce qui nous a porté et embarqué aux plus près des acteurs de ces 3 jours qui ébranlèrent Lyon.



Heure par heure, quartier par quartier, près de chaque pont comme au cœur de chaque lieu où l'action germe, enfle et gronde, Christophe Girard nous fait vivre la Révolte des Canuts. Il y a autant de rythme que d'empathie, autant de points de vue et de vies que de personnages. Le récit choral nous tire et nous prend sans nous perdre. Il tisse avec les évènements une toile où chaque acteur nous donne le temps de partager sa condition, son rêve et son destin. Et les personnages récurrents installés dans le tome précédent nous donnent à voir les positions de chacun des camps. Au moment où la violence est prête à exploser à tout moment, dans la rue, et les politiques soucieux de récupérer le mouvement.



De la belle ouvrage - normal pour parler des canuts - qui fait mieux connaître un fait social et historique majeur et rend justice à ses premiers acteurs.

Et si le socialisme à la française, matérialiste et mutuelliste était né à Lyon en novembre 1831 ?



Avant de lire la bd de Christophe Girard, la Révolte des Canuts était pour moi un épisode important et douloureux de notre histoire, sur les pages d'un livre du même nom et les rives du Rhône et de la Saône dans l'ancienne capitale des Gaules. Je savais Raspail et les siens inspirés par ce mouvement économique et social mais les faits en eux-mêmes m'étaient étrangers. Quel choc de découvrir cette histoire ! Et quel choc de la découvrir avec un tel regard !



Christophe Girard nous propose dans ce 1er tome une exposition vivante avec un voyage en diligence de Paris à Lyon où l'un des héros de l'histoire prend ses fonctions à la tête d'un journal. Une mise en situation vivante à l'image de tout ce qui va suivre. Tous les germes de la révolte qui gronde sont clairs. Il ne nous reste plus qu'à la vivre, heure par heure, dans un récit choral intense et concret, tout à la fois historique, personnel et vivant.



La forte empathie pour chaque personnage est une des clés du plaisir pris à la lecture de ce 1er tome. Chacun d'eux nous imprègne et si on sent tout le travail de documentation en amont sur les lieux et les figures historiques, ce sont les êtres et leur profonde humanité qui nous pénètrent alors que les faits se déroulent devant nous, nous tenant le souffle coupé.



Christophe Girard réussit à nous plonger dans des faits historiques essentiels comme si on lisait leur récit en roman feuilleton à leur époque-même. Et à nous dire et partager au creux du cœur, de l'oreille et de la raison, tout leur sens et leur message pour notre époque, aujourd'hui.



Alors, oui, le socialisme à la française est né à Lyon, pas à Paris. Oui, il est une réaction à la République des Banquiers, le fruit de la royauté de l'argent et du modérantisme. Et oui, peut-être aussi, est-il une utopie. Mais que cette utopie, cette lutte et cet ouvrage sont justes, beaux, utiles et précieux !