De retour dans les brumes hivernales de la campagne parmesane, le commissaire Soneri débrouille à sa manière unique un écheveau de vice et d’avidité, de hasard et de nécessité, toujours sous le signe d’une implacable nostalgie – et du goût de la bonne chère.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/08/note-de-lecture-or-encens-et-poussiere-valerio-varesi/
L’hiver à Parme. La campagne environnante, et notamment celle des terres basses qui entourent le Pô aux inondations de plus en plus redoutables, est plongée dans un brouillard presque inimaginable. Le temps idéal donc pour un carambolage massif, impliquant des dizaines de véhicules, sur l’autoroute qui traverse l’Émilie-Romagne, à proximité de la ville où exerce le commissaire Soneri – seul officier capable de ne pas se perdre parmi ces chemins et ces brumes. Des gitans auraient été aperçus rôdant sur les lieux, certainement à l’affût de quelque aubaine abandonnée – disent les premiers rapports de police. Lorsque le corps d’une immigrée roumaine, qui sera identifiée comme ayant été la maîtresse plus ou moins officielle de notables parmesans, est découvert près des voitures en détresse, lorsqu’un vieil homme est retrouvé mort à son tour dans un bus venant de Roumanie, arrêté à son terminus italien, et quand un personnage inattendu fait son apparition au coeur du campement des gitans soupçonnés de mauvaises intentions, le commissaire Soneri est à nouveau renvoyé à ses démons personnels et à ses mélancolies secrètes. Et ce d’autant plus, sans doute, que sa relation avec l’avocate Angela semble fragilisée dans tout ce brouillard…
Publiée en 2007 et traduite en français en 2020 par Florence Rigollet chez Agullo, « Or, encens et poussière » est la huitième enquête du commissaire Soneri écrite par Valerio Varesi (et la cinquième chez nous, le cycle commençant de ce côté des Alpes par « Le Fleuve des brumes »).
J’ai déjà dit dans les quatre notes de lecture précédentes tout le bien que je pense de cette série à la fois profondément inscrite dans son environnement de giallo italien contemporain (avec ses filiations et correspondances du côté de Carlo Lucarelli ou d’Andrea Camilleri, pour ne citer qu’eux) et relativement hors normes sous bien d’autres aspects : son intime puissance géographique lui permettant de se glisser dans l’essence de ce qui fait la ville, la campagne et la montagne dans cette Émilie-Romagne d’aujourd’hui, aux frontières si poreuses, ses ramifications historiques, qui lui permettent de faire porter en permanence les grandes ombres du passé (deuxième guerre mondiale, guerre civile larvée ou ouverte, années de plomb ou recompositions politiques encore presque fraîches), ramenées bien entendu à leur échelle humaine, et sa capacité rare, enfin, à intriquer la vie personnelle de son protagoniste principal, vie évolutive soumise à constantes et à surprises – ce qui est un art particulièrement délicat dans les séries policières au long cours, comme en témoignent les facilités et les gommages dont usent souvent nombre de ses confrères.
Avec « Or, encens et poussière », une forme étrange et poétique de cycle des temps et des lieux semble s’esquisser dans la série, puisqu’après la ville humble de « La pension de la via Saffi », la montagne des « Ombres de Montelupo » et la ville cossue des « Mains vides », on semble d’abord revenir à la plaine inondable du « Fleuve des brumes », avant que, une fois de plus, les liens souterrains qui relient le disjoint n’apparaissent, le plus souvent sous l’effet de l’extrême attention portée aux lieux et aux gens par le commissaire Soneri, policier nostalgique du passé sans doute, mais n’éprouvant pourtant nul besoin d’en devenir réactionnaire. Et c’est peut-être bien là l’une des raisons de l’intense attachement que l’on éprouve désormais à son égard.
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