Arthur C. Clarke est un auteur que j’ai beaucoup aimé lire ado parce qu’il m’avait fascinée avec l’univers de 2001 l’Odyssée de l’espace. Alors quand j’ai entendu dire que Denis Villeneuve dont j’aime beaucoup l’univers cinématographique souhait adapter un de ses romans que je ne connaissais pas, j’ai sauté sur l’occasion pour retrouver l’auteur.
Paru 5 ans après la célèbre Odyssée, Rendez-vous avec Rama se pose en fait comme le premier tome d’une nouvelle saga, en 4 tomes, où l’auteur explore à nouveau le thème de la rencontre du 3e type mais cette fois avec un vaisseau aux dimensions démesurées qui va venir croiser le chemin des Terriens dans le système solaire. Lorsque j’ai commencé ma lecture, je ne savais pas cet élément, je pensais que c’était juste un oneshot, et j’avoue que ça m’a un peu déstabilisée dans mon appréciation finale.
En tout cas, si j’ai voulu le lire, c’est donc parce que Denis Villeneuve envisage de l’adapter au cinéma et après ma lecture, je dois dire que je suis assez sceptique en l’état. J’ai peur que si c’était le cas, ce qui passe en roman, ne casse au cinéma, car l’histoire est avant tout très conceptuelle et pas vraiment vendeuse d’un point de vue narration cinématographique… Je m’explique.
Ayant remporté autrefois les prix Nebula, Hugo et Locus comme « Meilleur Roman », Rendez-vous avec Rama est effectivement un titre qui interpelle et une merveilleuse histoire conceptuelle. On pénètre aux côtés d’une équipe d’exploration dans les entrailles d’un artefact non identifié, gigantesque, qui a pénétré le système solaire et semble se diriger inéluctablement vers le Soleil. Qui est-il ? Quel est-il ? Que fait-il là ? Autant de questions auxquelles ils vont essayer de répondre. Sauf que pour se faire, l’auteur ne nous offre pas vraiment l’aventure attendue. La narration est assez contemplative, plutôt plate, avec fort peu de relief. Et si on s’émerveille devant les mystères que recèle ce lieu et leur représentation par les descriptions de l’auteur, je ne suis pas sûre qu’il y ait matière à en faire un film, du moins si on se contente de ce premier volet tel quel.
Il est cependant possible, peut-être, de tronquer, les passages pourtant que je trouve les plus fascinants où on découvre la structure cylindrique de Rama, son monde réduit en reflet du nôtre et ses étranges mers et reliefs, pour ne garder que la dimension plus politique qui va progressivement et succinctement se dessiner, mais ce serait un peu trahir l’oeuvre. On est vraiment dans un récit d’exploration qui prend le lecteur à contre-pied de ce à quoi il est habitué et ça passe très bien en roman. J’ai adoré cette absence de tension, qui n’a ainsi fait que mieux souligner celle qui va gagner finalement dans les dernières pages, avec les révélations qui vont tomber coup sur coup et la peur qui va gagner les Terriens restés sur Terre. C’est plutôt finement jouer pour réveiller le lecteur et lui donner envie, en plus, d’aller découvrir la suite des aventures de ce vaisseau des plus singuliers. Il y a néanmoins une absence de vie ou plutôt de charisme chez les explorateurs de cette histoire qui me fait un peu craindre le pire en matière d’adaptation. Il y a besoin d’incarnation pour moi pour qu’un récit tienne la route au cinéma et ici le seul qu’on retient c’est Rama !
Côté concepts, l’auteur, proche de la NASA, s’est inspiré de certaines connaissances de l’époque et cela se sent lorsqu’il parle de vitesse de voyage, de moyen de déplacer un tel vaisseau, ou encore de la manière de conceptualiser cet univers cylindrique et tout ce qui s’y trouve. Il fait cela de manière totalement abordable même pour un lecteur avec un faible bagage comme moi et je pense que les plus assidus, eux, y trouveront une dimension supplémentaire à titiller leur imaginaire scientifique. J’ai en tout cas trouvé fascinant la représentation de ce singulier univers qui semble mort au premier abord et qu’on va explorer pour tenter de le comprendre et y dénicher la vie, mais qui ne va peut-être pas répondre à nos attentes. J’ai toujours aimé ce genre de surprises. Et qui plus est, ici, j’ai vu des fils du scénario qui seront repris plus tard par des auteurs que j’affectionne comme Romain Benassaya (cet univers singulier et vertigineux à explorer) ou Adrian Tchaikovsky (certaines créatures).
Comme souvent avec C. Clarke, Rendez-vous avec Rama ne nous emmène pas forcément là où on l’attend mais le voyage est des plus singulier et donc marquant. Il a encore su conceptualiser un univers qui change et fait réfléchir. Il garde néanmoins cette manie de nous prendre à contre-pied et ici c’est avec une exploration où l’absence de tension pendant longtemps surprend. Je ne sais pas quelle en sera la vision de Villeneuve s’il l’adapte mais je serai curieuse de voir comment il va se dépatouiller de ce matériel que je trouve tout sauf aventureux mais plutôt très intello. Curiosité quand tu nous tiens !
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