Lecture d'un extrait du roman "Centaure" par son auteure, Valéry Meynadier accompagné de Dominique Bertrand à la flûte Shakuhachi lors de la rencontre de Chèvre-feuille étoilée à l'espace l'autre livre, le 16 février 2016, 13 rue de l'école Polytechnique à Paris.
tu me contais…
tu me contais comment les fleurs poussent à travers les murs
& comment les murs saxifrages se fanent avec les murs
avec ta lyre à neuf cordes
& tes yeux sauvageons
tu jouais avec les éléments
terre eau air feu
à hauteur de ton enfance
moi, ton ombre sculptée
en proue
j’apparaissais disparaissais
amour
en bas de page
appui à tous tes hymnes
…
JE VEUX CHOYER VOTRE ABSENCE…
Je veux choyer votre absence
Lui parler
Me caresser à travers elle
La bénir
Elle existe & vous contient toute entière
Mais
Si
Elle devait persister
Alors que j’ai dit à mon ventre
À mon âme
Si
Elle rentrait dans la durée
Attaquée au burin
...
J'ai peur de ma mère comme du haut d'une tour. Peur qu'elle ne me fasse tomber dans une chute irréversible. J'ai déjà commencé de tomber. Tout ça, c'est la tour, il ne fallait pas déménager. Te souviens-tu ? À l'arrivée, le vide n'était plus le même, plus aigu, plus vide encore. A-t-on idée de construire pareil édifice ? C'est à nous faire perdre la tête que de vivre à hauteur de cathédrale. Ce qui la tue ma mère, ce n'est pas le vide mais la tentation du vide. Je l'ai senti très vite : le vide t'exauçait. Quelque chose en toi de semblable à lui : ta faiblesse. Tu ouvres la fenêtre et tu assistes à l'abîme contenu en toi. La multitude des jours et des nuits ont creusé ce même vide en toi. D'emblée la fenêtre du salon m'a donné le grand frisson. Très vite, j'ai pressenti l'acte qu'elle hébergeait. Jamais ouvert de mes mains la fenêtre du salon.
T'es sûre, mie, qu'on doit déménager ? J'aime beaucoup ce petit appart. Lui aussi d'ailleurs, ne le sens-tu pas ?
Et les huissiers, Gabrielle, tu vas leur expliquer que l'appart t'empêche de partir ? Allons, folle chérie, sois à la page un peu ! Il est temps de se faire la malle sinon les meubles vont y passer !
J'ai rêvé de toi cette nuit et tu ne le sauras jamais.On ne devrait prendre le téléphone que pour appeler les gens qui nous font rêver.
Je me tords les lèvres, et les mains et le visage, j’aimerais m’essorer la mémoire comme une serpillière.
Ah ! Que n’es-tu tout, n’importe quoi, plutôt que toi.
J’ai peur de ma mère comme du haut d’une tour. Peur qu’elle ne me fasse tomber dans une chute irréversible. J’ai déjà commencé de tomber.
Le temps s’est arrêté
je n’ai jamais si bien senti le présent qu’entre ses bras.
j’ai mal à la gorge
des larmes en même temps que l’orgasme ont jailli de ma gorge
avec toi mon cri devient eau
se perd dans ta sueur
j’ai pleuré parce que ce cri devait finir qu’il avait sa mort lui aussi
j’ai pleuré parce que cet orgasme là en particulier rajeunissait le temps.
Tu es là. L’espace s’appuyait sur toi
Dans la cuisine, on se tait on mange on n’ose pas se regarder
tes mains moites de voleuse me touchent
soudain tu me voles mon amour
tu me demandes si je vais bien
ce sont tes premiers mots depuis des mois
je lève mes yeux vers toi
tu me demandes si je t’ai trompée- idiote -ce matin il fait nuit l’orage gronde au loin une fraicheur sauvage provient de la fenêtre -je te réponds non bien sur.
ton souffle…
ton souffle sur mon écorce
gravé
tu dessillais les axes
ton écoute en berceau des mondes
mes mains
paupières à dix doigts
sur tes oreilles
tu n’entendais plus rien
rien
que le nuage qui passe
…
tu me cherches…
tu me cherches
sur ta rétine
mon ombre en anneau d’or
clap clap les pieds d’Aristée
vortex de miel
il a tout vu
tourne autour de moi
doué d’un serpent, celui-là , bien vivant
qui pire dérespire
en son bas ventre
& pique
Le vide n'est plus ce qu'il était. Impossible à maîtriser. Il pousse s'accroît, comme un lierre sauvage, plante assassine, il se précipite, se jette en nous. Là où l'homme passe, le vide pousse à perte de vue. Les Tours ont modifié l'espace-temps. Le vide a suivi, c'est tout, épris de l'horizon vertical, il s'élance à l'assaut des tours et retombe à chaque fois derrière ce qu'il croyait infini. Alors, il se venge ! Et il se venge comment ?! Dans les tours siègent les fins limiers du vide, ses meilleurs ambassadeurs, ses attendrissants Méphisto à quatre pattes, quarante-deux dents et wouf wouf. Vengeance terrible. Les canidés sont une espèce en voie de glorification. J'avais rien contre, jusqu'à ce que, profitant de ma disparition, un ami de ma mère:
Tiens Céleste, tu seras moins seule dans la tour avec...
Un malheur ce clébard, baptisé Zou. Ma mère ne résiste pas à doubler les syllabes: Zouzou. Le malheur Zouzou/Zou/Le début de la fin.
T'as vu, elle est belle hein? Un bijou! Elle a un copain, le chihuahua du troisième... Je lui donne du steak haché à ma Zouzou, elle en raffole! On a fait la sieste elle et moi...
Le plus clair de tes journées en vase clos avec ta Zou. Souvent, de plus en plus souvent ta journée me tombe dessus, je déambule, tranquille et soudain foudroyée la Gab, je te vois, toi et Zou et rien d'autre, dans le vide, si l'alcool bien sûr mais à quoi bon le souligner ? Est-ce que je dis que t'as une main droite pour empoigner ta main gauche ? Des heures entières, je reste prostrée, ta journée et moi, rien d'autre et dans cette journée-là, toutes tes journées à venir.
Dans ma boite aux lettres, une lettre de désamour fou.
Je la pressentais, ton silence depuis des jours...
Je fais un tour sur moi-même, manque de remonter chez moi. Lire ta lettre dans les larmes qui déjà affluent...
Non, héroïque, je pousse la porte, je sors au grand jour, j’affronte le ciel bleu, je retiens mes larmes...
Je ne veux pleurer qu’en jouissant.
Je découvre notre fin en suivant mon chemin, dans le flux des gens, du temps qui ne s’arrête pas.
Lettre belle et scélérate.
Tu as modifié le cours de mon sommeil. Il n’en croit pas ses rêves. Lui, implacable guerrier solitaire, tu lui manques, il te cherche la nuit.
Il me réveille, me demande où tu es…
Je ne dors plus.