Il éprouvait une secrète jouissance à la pensée que seuls lui et trois ou quatre autres personnes avaient accès à des cours, des couloirs, des salles, des tympans, des bas-reliefs et autres motifs sculptés, encore interdits aux plus prestigieux des visiteurs. A ces derniers, on avait assigné un domaine, le temple de Ta Prohm où ils pouvaient se croire revenus soixante-dix ans en arrière, au temps des premiers explorateurs et découvreurs...
Les cambodgiens affirment que les monuments sont habités par des génies et je ne suis pas loin de le croire. Je sais à présent que les monuments, comme les génies, peuvent sinon rendre fous certains êtres, tout au moins aggraver leur folie.
Daniel fut leur victime...
C'était donc lui ce bandit ! Wattapong les attendait assis sur un bat-flanc, sous la véranda de son élégante maison de bois sur pilotis. C'était un petit homme au visage rond dont les yeux en amande disparaissaient presque derrière le sourire. Il portait fièrement une très grosse paire de bacchantes à la Nietzsche, ou plutôt style lion de mer, ce qui accentuait son apparente bonhommie. Il était coiffé d'un chapeau melon qu'il souleva pour saluer les visiteurs ; la coupe de cheveux en brosse au-dessus de ce visage rond et de cette énorme moustache créait un effet singulier...
Longtemps, les habitants de Siem Reap et des environs d'Angkor pensèrent que Daniel avait été puni par la grande divinité protectrice d'Angkor Vat pour avoir fouillé son sanctuaire.