ROMANCERO DU CORPS
LECTURE
Un livre vous gouverne,
Il vous inventorie
Vous décalque et vous cerne
En instance de fruits.
On ausculte un rivage
Quand un brin d'herbe luit :
Ce semble un parentage
Témoignant d'aujourd'hui.
Il nous jette en mesure
De vocables et d'échos
Soupesant les ramures…
D'en bas, d'ici, d'en haut.
p.40
Le cérémonial et l'enthousiasme des
escaliers dont on ne sait où ils montent, à
reculons, pareils aux cicatrices du futur.
Lionel Ray, l'interdit est mon opéra
ROMANCERO DU CORPS
DES DANSES POLYGLOTTES
Amusettes, amusiaux
Fébriles en amousailles
Allons pêcher le bigorneau :
La coquille des épousailles.
Je vous jure qu'ils sautillent
Et gambadent prestement,
Même s'ils s'en vont rêvant
Quand l'écume les branstille.
Le pain bis, n'en doutez point
Gornouflettes, gornouflaux
Quand le soleil se souvient,
Polyglotte un bigorneau.
p.20
citation 1 mise en exergue de l'ouvrage
Là où tout est métamorphose, retour-
nement et tourbillon, il n'est pas de morale
plus haute (une morale sans précepte) que
l'emprise de l'esprit créateur sur tant de
mouvance.
Alain Bosquet, (verbe et vertige)
p.11
ROMANCERO DU CORPS
ÉCLAT DE PLUIE
Réverbérant l'écho
De lointaines présences
Une sculpture d'eau
Écoute le silence.
Scintillement de stase
Où la tremblance luit
Prisme… le grain tressaille,
Lumignon de la nuit.
On notera l'étoile
Un chant de goutte d'eau,
Une vitre d'échos :
L'univers se dévoile.
p.16
ROMANCERO DU CORPS
D'ÉROS ET D'AILLEURS
V
Itinéraire du visage
Une parole soudain luit,
L'œil étonné ne contredit
L'innocence nue du langage.
Les mots ensuite font demeure :
On les polit, on les rabroue
Jusqu'au transparences des heures
Tel un galet qui se dénoue.
Aux aveux de l'ombre-garelle *
Sacrifice du corps œuvrant,
Le sable encore s'émerveille
De vivre l'aube en se couchant.
Si bon usage de parlures
Nous garde un appétit souverain,
Amour jamais ne se perdure :
L'univers n'est pas si loin.
p.37
* On nomme ainsi, dans le Berry, l'ombre
des feuillages pailletée de soleil.
ROMANCERO DU CORPS
NE RAILLONS PAS LES BRUMES...
Ne raillons pas les brumes
C'est du soleil mouillé
La terre se parfume
De sève ensommeillée.
Chimères sans recours
Ludions de la nuit blême
Fantasques stratagèmes
Vous dévoilez l'amour.
Nuages en gigogne
Vous fûtes bien osés :
Un rêve sans vergogne
Un éclair éclaté.
p.17
HANNETONS ET NUAGE
Un homme se promenait dans sa chambre
Par un bel après-midi d'automne
Et croisa trois hannetons
Sans s'étonner de leur présence,
En dépit d'un éphéméride
Vierge de rendez-vous majeurs.
Le carrelage étant descellé,
Au détour d'un menhir
Son pied heurta un nuage :
Il me faudra repousser les murs,
Murmura-t-il en songe…
Sa chambre était d'une exiguïté exemplaire.
Et sur cette boutade,
Il s'endormit sur un pied
Comme un flamand rose.
Avait-il mal d'amour ?
Non… son âme était si légère.
p.93
GERMINATION DE L'ÂME
XVI
Las de guerroyer au tocsin des mouches,
Une olive noire et un citron nain
Justifiant de cœur leur sujette souche
Dans l'humble laitue lièrent leurs parfums.
Le palais du goût magnifia les noces :
Le sel de la terre se prodiguait
Et le poivrier en son vert négoce
Sut donner la soif d'humour qui manquait.
L'amour les dota de soleil-dolmen…
Une olive noire et un citronnier
Grisés de montagne en le creux des plaines
Chantent l'océan d'un haut nuagier.
p.69
ROMANCERO DU CORPS
TRAVAUX SUR TABLE
à Madame Sauvage
N'en doutez point : je suis à l'aise
Dans ces notations murmurées
Comme sculpteur en terre glaise
Cherche le plain-chant dépouillé :
Où les grandes orgues résonnent
Tel un coquillage marin,
L'affabulation de nos mains
Infléchissant le mot « personne ».
Quant à savoir en cet ouvrage
Si chacun y découvre autrui
Sans génuflexion de son âge…
Aurai-je joie d'être apprenti ?
p.39