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3.33/5 (sur 3 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Jucu , le 14/03/1955
Biographie :

Marta Petreu, née Rodica Crişan, est une philosophe, critique littéraire, essayiste et poète roumaine.

Professeur de philosophie à l'université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, elle a publié douze livres d'essais, huit recueils de poésie et un roman.

Elle dirige depuis 1990, à Cluj-Napoca, le mensuel littéraire Apostrof.

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Bibliographie de Marta Petreu   (1)Voir plus

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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Marta Petreu
De loin

Elle ne voulait plus vivre. Elle voulait mourir
mais parce qu'elle ne voulait pas le reconnaître
elle tombait malade chaque jour
d'une maladie nouvelle
elle brûlait à petit feu dans une fièvre éternelle
et se promenait partout avec sa fièvre avec ses maladies
comme on promène une meute de chiots espiègles et fidèles
avec soi en laisse.
Oh. Elle marchait droite et mince dans les rues
et souriait à tout le monde de loin.
Oui. De loin
En réalité elle ne voulait plus vivre
Elle ne désirait rien – que la terre et l'herbe
le ciel et l'eau. Oui. Les éléments purs et éternels
Elle regardait le cœur serré par la pitié
toutes les créatures jeunes et vivantes
car elle avait compris – oh – elle avait très tôt compris
non seulement que la vie n'est que cruauté
mais qu'elle est aussi une épreuve
oui une épreuve : pour rien
et que le surhumain fait sur nous des tests
comme ça
comme nous allons au spectacle
pour passer notre temps
Elle savait qu'il n'existe ni sens ni gloire ni salut
elle savait que dans ce monde plein de dieux tout est inutile
Et elle voulait mourir
Oh oui elle voulait mourir
comme le lin qui s'effiloche en terre
comme le chanvre qui fond dans la rivière
comme l'aigrette du pissenlit qui disparaît dans le vent
Elle ne voulait plus vivre
non
elle avait peur que dans longtemps des siècles plus tard
les éléments de son corps aillent par hasard se réunir
et se souvenir de sa vie de Marta son nom
Aussi souriait-elle à tous écartelée et lointaine

15 mai 2004

(traduit du roumain par Ed Pastenague)
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Marta Petreu
Je peux écouter

Autour de moi il y a le désert à perte de vue
Pas un être. Pas un souffle humain.
Quel triomphe mon Dieu quelle orgueilleuse volupté
que d'arriver devant le vide le néant
oui – devant toi.
Maintenant je peux enfin me chercher
dans le sable dans les nuages dans la pierre dans l'air humide
j'ai maintenant le temps de fouiller dans la profondeur du miroir
pour chercher cette fille un peu dingue et mince que j'ai été et qui a disparu
je peux farfouiller avec mes mains mouillées
dans ma chair amère de femme vaincue.
Oui. Je peux creuser. Oui je peux encore déchiqueter
Je suis ma tombe et je suis mon cercueil de chair filamenteuse
dure comme le hêtre
Il y a une solitude insensée. Avec des griffes
Je suis heureuse
Et une quiétude ancienne et compacte
Autour de moi comme une mer de pierre
Maintenant je peux me chercher
maintenant je peux écouter
le frémissement du temps – le crime parfait
Je peux entendre sortir de sa peau nacrée
et pousser le duvet et les ailes de l'ange
Oh c'est mon ange
Ou entendre grésiller
Comme une bougie mouillée de sang
La chair de mon corps allumée par la mort

15 mai 2004

(traduit du roumain par Ed Pastenague)
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Tel un juge dürrenmattien, elle a inventé, plusieurs fois, des faits que Tinu n'avait pas commis, et a porté plainte contre lui, au moins une fois, à la police.
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Marta Petreu
Prière du matin

J’ai misé sur la poésie. Misé
sur les livres savants intelligents
misé sur des dizaines d’autres âneries de papier. En vain
J’ai voulu avoir un enfant. Aucun homme
n’a laissé sa semence vive fructifié en moi

J’ai misé sur l’amour. Aucun homme
n’a voulu de moi comme femme
(comme sœur peut-être comme mère comme ménagère
peut-être comme varech peut-être comme chiffon à poussière)


J’ai misé sur les quelques éléments chauds de la vie. En vain
Toujours en vain


Désormais je mise sur le rien. Tout m’indiffère
Je me tiens sous mes écailles comme une épée de métal
Je suis libre : sans âme. Aucun espoir
Seul croît le rien. Seuls croissent le sable
Et la lumière. Sous ma peau devenue transparente
comme l’eau, sous ma chair, je vois mes os fins
et flexibles comme du cornouiller sanguin. Je vois mon squelette
Je vois des minéraux purs. Du calcium. Du phosphore
Du fer et du magnésium. Mes chevilles d’argents

D’ici un siècle
je serai un nuage d’atomes. Libérés de toute âme.
Libérés de tout sens

Seigneur. Mon père. Je veux
ne plus jamais avoir de corps. Plus jamais
le moindre souffle de vie
Plus de corps humain. Plus de destin de femme. Rien
Seulement rien.
Du rien sans mémoire. Sans douleur
Seigneur. Du rien dans le rien de la chute

(in Mon cadavre aux chiens (anthologie), collection sine die, textes choisis et traduits du roumain par Nicolas Cavaillès, hochroth-Paris 2018, page 23.)
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Marta Petreu
Le pays de la neige

Les jours passent les nuits passent les saisons tournent en rond pleines de poussière
Je reste en moi comme dans une soupe brûlante.
Non – je ne suis pas amoureuse. Non – l'amour ne me fait pas mal
Non – quand la fièvre me secoue
personne ne me tient la main.
Non – je ne veux autour de moi aucun être humain
il me suffi mon ange noir
et j'attends la reine
Seule je suis. Et pendant la nuit
moi avec moi-même toutes les deux
errons à travers le pays de la neige
et dans la vallée je cueille les perce-neige
Oui. La nuit je rôde dans la neige haute
baignée
dans une lumière blanche fatale
Le soleil des ténèbres le soleil des ténèbres
le soleil brûle ma cornée caresse la peau
Oui. Je rêve en couleur. Blanche est la neige blanc le ciel
blanche la licorne
blancs et carnivores les perce-neige.
Seule la terre est noire
noire comme la tombe
Oui. Je parle à mes morts
j'attends de leur part un bon accueil
Noire est la poussière
et mon sang est rouge – je m'en souviens
il goutte
comme une gelée fine tiède
sur la surface luisante de la table
Oh. Comme les arbres s'ébrouent et font
tomber les fleurs et les feuilles
Les jours passent les nuits passent les saisons tournent en rond pleines de poussière
Mon Dieu
Dieu de mon père
Dieu de nos pères :
ça suffit
Je reste en moi comme dans un âtre empli de braise
Je reste en moi comme dans une soupe en ébullition
et à travers le mugissement rouge de la fièvre
je tends l'oreille
vers des godillots de métal :
il est parti l'ange noir
c'est la reine qui arrive
Oh. Le mugissement rouge
de la mer enfermée entre les hautes rives
de la fièvre
Je m'ennuie du pays de la neige je veux le soleil des ténèbres – je geins
Non – je ne vois pas. Non – la glace ne reflète plus
Mais je suis de plus en plus légère
Comme un cerf-volant en papier
Je suis prête à partir je suis prête à m'envoler.

5–6 avril 2005

(traduit du roumain par Ed Pastenague)
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modele Sylvie Modele:
sans la moindre intention denous laisser entraîner dans une polémique vaine et de mauvaise foi patente, nous livrons aux lecteurs avertis la subtile et fort élogieuse chronique de Florence Noiville dans Le Monde des Livres qui met en évidence, avec son autorité critique reconnue, la qualité de la traduction.
Preuve, s'il en était besoin, qu'il existe des observateurs sérieux de la vraie littérature en traduction( et qui connaissent le sens du mot "résilience").
Belle incitation à une lecture passionnante.

"Avec un recueil de poésie (Poèmes sans vergogne, Le temps qu'il fait, 2005), et quelques textes épars, la Roumaine Marta Petreu, était encore très peu traduite. Or voici que nous arrive son premier roman. Un texte fort et troublant, tout imprégné des légendes sombres de sa Transylvanie natale, et dont la langue - traduite de façon particulièrement élégante et fluide par Florica Courriol - vous harponne dès les premières lignes.[?] Les blessures de Tabita, qui aurait pu mourir au champ d'honneur mais sera sauvée par sa capacité de résilience sans pareille, c'est justement ce qu'on découvre au fil du livre alors que, dans les premières pages, on est en train d'enterrer sa mère. Mica est morte. Tabita est devenue adulte.[?] De quoi se souvient-elle? De ce qu'a signifié grandir dans cette région des confins de l'Europe où Cioran disait qu'il jouait au foot, dans son enfance, avec des têtes de mort (les têtes qu'au cimetière les fossoyeurs déterraient pour gagner de la place). De cette plaine transylvaine où, les hivers sans neige, "l'horizon écorché étale jusqu'au ciel sa tristesse désespérée" mais où, au printemps, "l'air s'imbibe de chlorophylle liquide".[Cette métamorphose si commune, cette trajectoire désespérante et fascinante, Petreu la décrit avec une minutie implacable. Avec, aussi, un art subtil consistant à mêler à la pâte de ses mots des expressions populaires, un parler paysan et des images d'une violente originalité poétique.
(Florence Noiville in Le Monde des Livres, 2 mai 2014)
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Marta Petreu
Oui. J’ai fait l’amour avec eux. Et certains peu
m’ont donné du plaisir
Oui. Ils ont pénétré ma chair et mon esprit
Indemnes je les porte tous en moi
je les retiens dans mon cerveau comme en un sarcophage
je les compte comme les perles sur un fil
je les place par âge par manie je les punis je les absous pour la neuvième fois


Regarde-les. Ils t’appellent
ils te tentent toi le jeune homme l’animal gracile :
ils veulent t’humilier te consoler me vendre à toi gratis
ils veulent – bienveillants- te prévenir ils veulent te murmurer
à l’oreille
ce que tu subiras si tu couches avec moi

Eux. Mes hommes. J’ai goûté leur salive
Regarde-les. Mais me vendre n’est pas nécessaire
Je te dirai avec volupté ce qui arrivera : ton sexe brûlant
ton sang ta salive ou bien ton sperme
et – si tu pleures sur mon ventre comme d’autres – tes larmes
ruisselant si rondes
je changerai oui tout cela
en encre


Oh. Mon amour. L’encre avec laquelle j’écris sans vergogne des
poèmes

(La Phalange, extrait, traduit du roumain par Odile Serre)
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Marta Petreu
L'élue

Tu es la femme élue pour être tuée avec des pierres –
as-tu dit en souriant
Ne me touche point. Je suis mortelle
Ma chair triste humaine
t’attend depuis le commencement des temps – ai-je répondu
Mais ici et maintenant ne me touche point
Et alors tu as déboutonné mon chemisier
dégrafé ma jupe tu m’as déshabillée doucement
Je me tenais devant toi toute nue sur la place principale
comme un morceau de viande dans une vitrine
R l’entour le vide comme lors d’un bombardement
et un tel silence qu’on pouvait entendre le phénix voler
au-dessus de la cathédrale catholique
les gens nous évitaient de loin en tournant la tète le regard
Et tu m’as aimée presque tendrement
sur l’asphalte crasseux
parmi les mégots et les canettes de coca-cola
tout en me demandant si j’aimais si je me sentais bien
si je savais que j’étais la femme qu’on tuerait r midi avec des pierres
Tu avais un gout de sel marin
Et moi je le savais c’est certain
*
(traduit du roumain par Linda Maria Baros)
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Marta Petreu
Comme une épée

Il n’y a aucune épée
suspendue au-dessus
de ma tète amoureuse
Mon cerveau reste dans sa boîte
comme l’épée dans sa propre gaine
Et il n’y a aucune épée – je le jure – suspendue au-dessus de ma tète
La poussière que je recèle
demeure dans l’obscurité qui me recèle
Ohé ! c’est la colère, non l’épée, qui est suspendue au-dessus
de ma tète illuminée
Il n’y a que la peur la pute à sept tètes
il n’y a que la peur ohé il n’y a que la peur mon liquide amniotique elle
Je demeure dans ma propre obscurité
comme le Petit Chaperon Rouge dans le ventre du loup
tout en me haussant
Ma pensée au-dessus de toi comme une épée
ma pensée amoureuse
*
(traduit du roumain par Linda Maria Baros)
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Marta Petreu
Sainte trinité de la mort

Que reste-t-il de la mémoire
après que le temps l'angoisse la vie
la sainte trinité de la mort
lavent mon cerveau ce linge usé
comme on lave avec de l'eau ce que j'écris
aujourd'hui sur l'eau
Que reste-t-il après le grand nettoyage d'automne
quelle angoisse quelle honte recroquevillée en moi
est prête à me prendre à la gorge
La vie passe comme une pluie d'été
l'amour passe la douleur passe – je dis
murée dans une fertile solitude pleine de griffes
je sommeil comme un lézard au soleil
Je me sens bien. Les fleurs des champs poussent
sur moi le lys rouge du désert
les papillons et les merles volent
les coquelicots géants
fleurissent écarlates tel mon cœur fendu
des épis de blé poussent sur mon corps touffes d'absinthe
jaune caille-lait.
Oui. De longues griffes colorées sortent de moi et lacèrent l'herbe grasse
Je suis amère et grande. Je suis vivante.
Oh. J'ai enfin appris à me défendre
j'ai appris que j'ai le droit
de rester en moi comme dans ce jardin-là
dont les murs sont gardés par les épées des anges
ainsi qu'Ève au moment de son réveil
je me suis largement suffisante
Seul ce sac plein de tessons et de clous
qui fait le bruit d'un moulin fou dans mon crâne
seul ce sac plein de plèvres
tinte en moi
au moindre mouvement
me lacère me remplit à l'intérieur de sang
Oui. Il n'y a que la mémoire qui me rappelle que
je suis un être humain
Oh la douleur
Que reste-t-il de ma mémoire de femme
qui a erré parmi les hommes
que reste-t-il après que la sainte trinité
me roule dans le sel et me lèche comme une chienne
et puis me pénètre comme l'eau pénètre la toile
et lave mes taches de sang avec du sang

10–11 octobre 2004

(traduit du roumain par Ed Pastenague)
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