Une doctrine philosophique d'inspiration cartésienne, l'occasionnalisme, auquel le philosophe Nicolas Malebranche (1638-1715) a donné ses lettres de noblesse, développe une analyse critique de la causalité: comment comprendre les actions réciproques entre l'âme et le corps ou celles entre les corps, s'interrogent les occasionnalistes? Selon eux, l'unique cause efficiente est Dieu: les corps n'agissent pas en propre, le choc n'étant qu'une "occasion" qui détermine l'exercice de l'action physique. Il n'existe donc pas de force dans la nature. Ces réflexions entraînent une vague de scepticisme: et si la mécanique ne pouvait être construite que comme une science des effets? En recourant à Dieu, les occasionnalistes reconnaissent l'impossibilité de comprendre la nature de la cause, impossibilité qui implique de ne s'en tenir qu'aux phénomènes.
Enfin, mon cher ami, nous avons perdu Mr d'Alembert. Il est mort victime de l'erreur et de l’opiniâtreté d'un nommé Bartés son médecin, qui s'est obstiné à le traiter d'une maladie qu'il n'avait point. Il a prétendu jusqu'à la fin malgré l'opinion contraire des autres médecins, que la cause du mal était une humeur acre qui s'était jetée sur la vessie et de là sur la poitrine. En conséquence, il a bourré le malade de quinquina et de cachou. Ce qui l'a conduit à un marasme complet.
Les autres médecins au contraire étaient d'opinion que le mal n'avait pas d'autre cause qu'une pierre dans la vessie. La question a été décidée après la mort du malade. Le cadavre ouvert, la vessie a été trouvée très saine, mais contenant une pierre de la grosseur d'un oeuf de pigeon.
(Lettre d'Auguste de Keralio, ami de d'Alembert, à Paolo Frisi)
"L'Encyclopédie" étant ordonnée par l'alphabet au rythme régulier d'une ou deux lettres par an, si D’Alembert a un compte à régler avec l'un de ses adversaires, il trouve toujours dans le volume de l'année, un mot plus ou moins artificiellement lié au sujet, où il peut marquer sa priorité, relever une faute de son adversaire, voire donner un développement qu'il estime intéressant et qu'il n'a pas l'occasion de publier ailleurs.
On peut par exemple traiter des lois du choc à "Choc", à "Communication du mouvement", à "Dureté", à "Élasticité" ou à "Percussion", voire au lieu de naissance de l'un des nombreux savants qui sont intervenus sur le sujet. De même les fluides peuvent s'examiner aussi bien à "Fluide" qu'à "Hydrodynamique", "Pression" ou "Résistance". Les observations plus ou moins acides que D'Alembert écrit sur Euler ou D.Bernoulli s'égrènent même parfois en feuilleton sur plusieurs lettres de l'alphabet.
Comment faire conjointement l'éloge de l'un des chefs de l’Église de France, incarnation même de l'orthodoxie catholique (Bossuet), et tenir un discours militant assurant la promotion des valeurs des Lumières, valeurs qui s'édifient précisément contre cette tradition dont Bossuet est un illustre représentant ? Il s'agit de faire preuve de finesse et de doigté pour ne tomber ni dans l'incohérence ni dans la satire.
Newton avait cru montrer l'impossibilité d'éliminer les aberrations chromatiques. Or Euler, en 1748, s'était fondé sur le fait que l’œil semblait dépourvu d'aberrations chromatiques pour contrer l'affirmation de Newton et s'autoriser à rechercher une théorie d'élimination de ces aberrations. Ce faisant, il avait dépassé le cadre scientifique et avait expliqué que cette perfection optique de l’œil, cette parfaite élimination des aberrations, constituait une preuve très forte de l'existence de Dieu, affirmant même que les athées n'auraient rien à y répondre et devraient rendre les armes.