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4.71/5 (sur 12 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Pierre-Marie Prat a été conservateur de musée, puis muséographe et réalisateur de documentaires. Correspondant de presse, il a également écrit des pièces de théâtre et des articles à dominante ethnologique. Il est maintenant biographe pour particuliers.

"Madeleine L." est son deuxième roman, après "Voyez passer les orphelines" paru en 2017 (www.lignesdevies.com).

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Après les villes, la crise de 1929 avait frappé durement les campagnes françaises. Quand Madeleine vient au monde, les greniers regorgent de blés invendus avec l’effondrement des prix. Certains qui avaient investi dans la mécanisation dès les années 1920 ne peuvent plus honorer les crédits. Les faillites s’enchaînent. Les Lequellec, quant à eux, n’ont pas pris le train du progrès triomphant, condamnés à une économie de subsistance. Ils étaient dans la mouise avant la crise, elle ne fait que les enfoncer un peu plus, une misère endémique héritée des générations précédentes, âpre de résignation, qui transpire la sueur d’une terre peu aimable.
Elle n’a pas connu Alphonse, le grand-père maternel pulvérisé par un obus du côté de la Somme pendant la grande guerre. Philomène, la grand-mère qui vit avec eux, ne s’en est pas vraiment remise. Elle rognonne à longueur de journée dans son patois gallésant, comme si rien de ce qu’il se passait dans cette maison ne pouvait lui convenir. Les autres se contentent de hausser les épaules, sans y prêter plus d’attention. Madeleine la surnomme Moustache, à cause du buisson de poils noirs et drus ourlant sa lèvre supérieure. Elle chique et balance régulièrement un glaviot noirâtre qui quelquefois atterrit aux pieds de Madeleine, formant une petite flaque gluante sur la terre battue avant de ne plus laisser qu’une auréole brillante comme celle d’une limace. La petite fille est si dégoûtée que lorsqu’elle la voit se tordre la mâchoire, annonce du prochain jet répugnant, elle lui sauterait volontiers à la gorge pour le lui faire avaler.
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Sans se faire prier, Nouara a raconté, d’un long monologue tenant de la psalmodie. Elle a raconté son père, son mari, son frère et son beau-frère emmenés derrière la maison, exécutés d’une même rafale, les femmes et enfants hurlant de terreur réfugiés dans la maison, sa mère, sa belle-sœur et cinq des enfants de cette dernière ensuite massacrés, ses propres enfants de cinq, trois et deux ans qu’elle avait cachés dans un réduit à provision, grièvement blessés par les balles transperçant le fragile rempart, l’un mort un an après, le deuxième lourdement handicapé et la troisième définitivement traumatisée. Elle a raconté encore quand avec sa sœur, s’étant réfugiées dans la cahute qui servait de toilettes dans le jardin, elles furent miraculeusement épargnées de l’hécatombe, les enfants soignés par les villageois puis emmenés par le FLN dans des infirmeries clandestines, la mechta dévastée, les gourbis brûlés avec le bétail, l’horreur des cadavres amoncelés dans une fosse dans le bas du village et l’odeur atroce qui la poursuit encore. Les survivants n’avaient pu revenir avant plusieurs jours.
Après cette effroyable énumération, nous restâmes pétrifiés, ne sachant comment réagir. Livide, Adel ne pouvait réprimer le tic nerveux qui agitait sa jambe. Quant à moi, me croyant aguerrie par la lecture des atrocités de la guerre d’Algérie, je mesurais l’abîme entre une histoire découverte dans le cadre d’une bibliothèque et l’âpreté du récit d’un témoin. Nulle place ici pour le révisionnisme et la surenchère des mémoires, la parole digne et sacrée de Nouara ne pouvait souffrir du moindre doute blasphématoire.
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Rapidement, Mado va susciter l’engouement d’une partie de la clientèle masculine attirée par sa fraîcheur et ses dehors ingénus. Certains habitués ne viennent que pour elle et trouvent son passage sur scène trop bref, de quoi décider Tony à demander à monsieur Georges d’allonger son numéro. Il recycle alors pour elle une ancienne « mise en scène », si l’on peut dire. La dramaturgie reste basique, nous ne sommes pas à la Comédie-Française. Mado entre habillée en femme du monde de la Belle Époque avec chapeau, voilette, gants, robe à panier, jupons en dentelle et tout le saint-frusquin – autant d’accessoires qui permettent de faire durer le plaisir – tout en minaudant et tortillant du popotin. Elle s’installe à une table de toilette où elle se démaquille, et le reste suit. Une rengaine nasillarde de café concert emballe le tout. Un soir, un flic de la mondaine s’enquiert de son âge auprès de Tony, lui trouvant une allure bien juvénile. Quelques billets glissés discrètement dans sa poche feront taire ses doutes.
Avec cette promotion, la paye va suivre, à la grande satisfaction de Mado Pigalle. Elle quitte son meublé et les dames de petite vertu pour louer un modeste appartement, toujours dans le neuvième, non loin du Camélia.
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Je suis partie sur un coup de tête, sans prévenir Mehdi. Je ne l’appelais pas si souvent qu’il pût s’inquiéter de quelques jours d’absence. La longue traversée de nuit sous une voûte céleste constellée d’étoiles m’a donné le temps de faire le point. Lorsqu’à l’aube, le bateau entra dans la baie d’Alger, je me ruai vers l’avant en proie à une vive excitation. Mehdi me décrivant les beautés de la ville blanche n’avait rien exagéré. Tout était en place, le voile de chaleur ondulant dans l’atmosphère limpide, les senteurs iodées de la brise marine et des algues, les façades haussmanniennes des immeubles s’étageant dans l’écrin des collines, le conglomérat ocre de la Casbah et son lacis de ruelles obscures, les touches sombres des îlots de verdure mouchetant le décor comme une abstraction, les arcades de l’amirauté témoins hiératiques de l’agitation portuaire, la rumeur grandissante d’une ville laborieuse déjà saturée d’impérieux coups de klaxon. Figure de proue cramponnée au bastingage, le lyrisme de Camus chantant les splendeurs de cette terre me revenait à l’esprit. Je compris alors que j’en étais. 
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