Bien souvent, il serait avantageux de n’être pas là. Le soir, par exemple, je rentre chez moi et j’attache mon manteau à une patère. Ce sont des moments comme ça. Ou alors, le soir, je rentre chez moi et j’entends quelqu’un dire : « Ça ne m’étonnerait pas mais alors pas du tout » ; et il faut que je réponde. Parfois, aussi, je mets mes vêtements à laver au Lavomatic.
Mon colocataire…
Mon colocataire serait, depuis une heure, en grande conversation avec moi dans la cuisine, et il se rendrait compte qu'il y a cinquante minutes que je suis sortie me promener. Bien sûr qu'il ne me le pardonnerait pas. C'est pourquoi je suis, en attendant d'avoir trouvé le moyen imperceptible de m'absenter de ma propre conversation, forcée de rester là, une fois un mot planté : de rester là, pas trop loin, une fois le mot dit, comme si c'était pour toujours moi-même qui l'avais dit et que je devais y rester attachée une époque, toute une vie au minimum, comme à un enfant, pour le toucher et le torcher, parce que je l'aurais voulu et qu'après tout il serait à moi.
Je ne peux, cependant, renier ces flottements par lesquels je suis passée, car ils sont symptômatiques de la scientificité avec laquelle j'ai toujours traité, vis à vis de moi-même, de la possibilité de disparaître. Jamais je n'ai gaspillé mes échecs.
« Je comprends »
Choisir un programme et pouvoir s'absenter : au début d'une très longue conversation pendant laquelle il faudra seulement dire qu'on comprend, trouver une façon de dire « Je comprends » qui durera très longtemps et disparaître.