Un plan de ville : un espace construit qui port la marque de l'Histoire.
Un plan de ville, c'est l'espace et le temps réunis. Le temps est présent dans la légende qui accompagne le dessin.
Un plan de ville, cela se regarde mais cela se lit. Il implique trois moments : celui du regard qui saisit la complexité du bâti, celui de la lecture qui organise progressivement cette complexité, enfin celui de la compréhension où la légende apporte les explications géographique, architecturale, sociale, politique, mais aussi culturelle et religieuse.
REVENIR
Passé l’horizon d’enfance
commence l’exil.
Ici ont vécu des êtres humains
dissous dans le temps.
Les années ont braconné
ce qu’il restait de traces.
L’édifice de la mémoire
chancelle au moindre manque.
J’ai espéré longtemps
le retour de l’innocence.
//Michel Monnereau
EUGPHORISMES 1
Le ciel peut me tomber sur
la tête s'il reste aussi bleu.
Eugène MICHEL, p.77
FRANCILIENNE
Plumage moucheté de blanc, une colonie d'étourneaux
picore la pelouse. Un " schrreck " étrange attire notre attention
vers les ailes noires; blanches et cobalt du geai.
Eugène MICHEL, p.76
FRANCILIENNE
La limace s'installe au milieu du chemin avec l'imper-
tinence d'une crotte.
Eugène MICHEL, p.74
Qu’est-ce que Babel ?
T’en souviens-tu mon ami ?
Nous étions frères de sang sans saignées
Armée sans chef
Le même rêve au corps,
La même couleur, même étendard
– Vraiment ?
Nous goûtions à la même jarre
La peau et la lèvre de la terre
Pour qu’encore coule le vin
En ce temps-là nous étions frères
– Oui, en ce temps-là nous étions frères.
Nous tirions les vaches par la queue
Et notre langue savait la chaude rondeur du sein
– Gigantesque
Nous préférions courir à en oublier de marcher
En ce temps-là nous étions frères
– Oui, je m’en souviens.
Des larmes plein les mains et des graviers dans les poches
Nous terrassions les Cerbères
Au Diable les lois et les hommes
Nous étions libres à jamais
Contant l’amour à la folie
Ne craignant pas, à deux, d’être attrapés
Rappelle-toi
Quand le temps se faisait long et que l’ennui nous gagnait,
nous montions sur la colline voir les travaux avancer.
Du labeur des hommes je n’ai rien retenu.
Quelques vis écrasées…
– « Babel s’est écroulée ! »
Benjamin Guérin
EUGPHORISMES 1
Chaque plante organise à
sa façon la captation
lumineuse.
Eugène MICHEL, p.77
EUGPHORISMES 1
On souffre dans le bonheur
pour un perpétuel oxymore.
Eugène MICHEL, p.77
Je connais une forêt où jamais
La pluie ne cesse.
Depuis mon hamac j’écoute
Les gouttes d’eau rebondir
Sur la toile — minuscules percussions
Au rythme de la nuit.
Au matin les arbres
S’ébrouent — lumière blonde
Magnifique et fugace,
La forêt miroite,
Se pare et scintille,
Couronnes de rosée,
Rubans de soleil
Au travers des branches,
Velours des troncs, mousses moelleuses,
Aérienne danse des fougères
Dans l’aube étincelante.
Les pieds nus dans la boue
Le sol est chaud et doux
Humide et glissant
Une éternelle caresse
Organique et primale, indécente,
Sensuelle.
Le jour fauve se lève,
La forêt palpitante éclate,
S’offre, somptueuse et vibrante,
Baignée de splendeur –
Et j’ouvre les mains.
Émeline Houël
APPROCHE DE LA POÉSIE
De même que je m'émerveille que des êtres et des choses
inexistants puissent être engendrés par des combinaisons
poétiques rares et inédites, de même je m'émerveille que des
êtres et des choses du monde soient irréductibles à toute
mise en boîte poétique et j'en suis reconnaissant à l'ordre des
choses *.
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Contrairement à ce que l'on peut croire parfois, la poésie ne
décrit pas des êtres et des choses avec les mots, mais les
êtres et les choses sortent des mots par la poésie assemblés.
Êtres et choses peuvent venir au monde (au texte) bien
formés et pourvus de tous leurs membres, attributs et
caractéristiques, il peut arriver qu'il leur manque quelques
membres, certains attributs et que certains de leurs éléments,
parmi les plus caractéristiques, aient disparu ou ne soient pas
(encore) apparus ;
…
*Ainsi tel oiseau qui sautille là, sur la pelouse ‒ en fait un vol très bref et très rapide dont la décision (repérage d'un insecte, apparition d'un danger…) ne nous est pas connue et semble, de manière surprenante pour nous, instantanée ‒ est définitivement unique et hors d'atteinte, indemne de toute littérature…
//Philippe DÉMERON, p.72