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Citation de Goewin


Tout commence toujours par des mots, Erwan. Toujours. Les pires horreurs commises dans l'histoire ont d'abord été formulées. Sans élaboration d'éléments de langage visant à habituer les populations à une vision des choses, rien ne serait possible, aucune abomination ne serait communément admise, elles soulèveraient les indignations et les révoltes. Mais en préparant le terrain par l'oralité, alors les mots deviennent les plus meurtrières des armes. Les pensées changent en profondeur, les populations finissent par adopter les mots qui crachent et nient l'humanité des cibles visées pour les faire leurs. Une fois ce travail accompli, une fois les esprits modelés, une fois les pensées privées de mots pour se structurer autrement que par le discours répandu, alors, il est possible de passer à l'acte sans soulever l'indignation qui serait de mise. Car l'acte ne s'adresse plus à des humains, mais à un groupe sans identité, sans humanité, que l'on a appris à insulter, mépriser, détester. J'ai vécu l'installation des premiers mobiliers anti SDF. Anti pauvres, anti compassion. Ils ont peu à peu gagné la ville entière, et toutes les villes, de ce que j'en sais. Personne n'a trouvé à y redire. Il était admis comme juste de vouloir empêcher les crasseux de se poser devant tel ou tel commerce, dans tel ou tel quartier. Normal de vouloir se prémunir contre ces invasions barbares, de vouloir pousser la pauvreté et ses souillures ailleurs, hors de la vue. Car le discours était passé, entré chez les gens par les écrans de télé, le soir devant leur dîner, dans leur intimité, comme un ami digne de confiance. Au fil des mois, plus aucun endroit d'ordinaire squatté par nos camarades n'était accessible.
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