Ce soir là - le 30 mars 1940 - un vent glacial balaie la baie de Kiel. Ses rafales hargneuses lancent des paquets d'embruns aux visages des derniers permissionnaires qu'une lourde chaloupe a embarqués au pont de Reventlow.
Dans l'obscurité totale, on distingue à peine la silhouette du mystérieux "Numéro 36", amarré au corps mort A7.
Parfois, dans le canot qui avance laborieusement vers la masse du navire, des lambeaux de phrase couvrent le bruit haletant du moteur.
"Ils auraient pu nous donner 2 ou 3 jours de plus...ma fiancée a pleuré comme une madeleine...cette fois, on va sûrement partir pour de bon..."
Tout à l'avant, deux officiers, silencieux et tendus, se contentent de hocher la tête.....
(extrait de "le numéro 36 appareille", premier chapitre du volume paru aux éditions "Robert Laffont" en 1954)