[...] Il faut qu'il épuise les lumières et les ressources de son esprit pour leur faire trouver des avantages effectifs dans les choses qu'il est chargé de leur proposer.
Ainsi le grand secret de la négociation est de trouver les moyens de faire compatir ces communs avantages et de les faire marcher, s'il se peut, d'un pas égal. Il faut même que le plus puissant de deux souverains qui traitent ensemble fasse les premières avances et les dépenses nécessaires pour acheminer cette union, parce qu'il a en vue de plus grands objets et des avantages beaucoup plus considérables que l'argent qu'il emploie à donner des subsides à un prince inférieur et des gratifications ou des pensions à ses ministres, pour l'engager à l'aider de ses forces et à favoriser ses desseins.
Pour bien connaître de quelle utilité peuvent être les négociations, il faut considérer que tous les États dont l'Europe est composée, ont entre eux des liaisons et des commerces nécessaires qui font qu'on peut les considérer comme membre d'une même République, et qu'il ne peut presque pas arriver de changement considérable en quelques uns de ses membres qui ne soit capable de troubler le repos de tous les autres.
La plupart des hommes qui parlent affaire ont plus d'attention à ce qu'ils veulent dire qu'à ce qu'on leur dit, ils sont si pleins de leurs idées qu'ils ne songent qu'à se faire écouter, et ne peuvent presque réussir à écouter à leur tour.
Il faut non seulement qu'un négociateur ne soit pas sujet à ses humeurs ni à ses fantaisies, mais qu'il sache s'accomoder à celles d'autrui ; qu'il soit comme le Protée de la fable toujours prêt à prendre toutes sortes de figures selon l'occasion et le besoin ; qu'il soit gai et agréable avec les jeunes princes qui aiment les joies et les plaisirs ; qu'il soit sérieux avec ceux qui le sont ; et que toute son attention, tous ses soins, toutes ses passions, et même ses divertissements ne tendent qu'à un seul et unique but, qui est de faire réussir les affaires dont il est chargé.
C'est le propre de la bonne chair de concilier les esprits, de faire naître de la familiarité et de l'ouverture de cœur entre les convives, et la chaleur du vin fait souvent découvrir des secrets importants.
Les fonctions d'un ministre envoyé dans un pays étranger se peuvent réduire à deux principales : l'une est d'y traiter les affaires de son prince et l'autre est de découvrir celles d'autrui.
L'un des meilleurs moyens de persuader est de plaire.