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Citation de Charybde2


La porte est fermée, seul Black Manoo détient la clef. Un appel de Karol, trois coups et il ouvre. Ne pas attirer la curiosité, rester loin des regards délateurs et inquisiteurs des Yass, les contrôleurs sanitaires. L’extrême discrétion n’empêche pas que se répande la rumeur chez les Ivoirisiens, les Ivoiriens de Paris : « Black Manoo, le vieux père de Cocody, a ouvert un restaurant ! »
La rumeur est con. Black Manoo n’est « vieux » que de ses frasques de délinquant minable sous héroïne qui ont fait sa réputation dans le quartier où il est né. « Père » ? Aucun de ses spermatozoïdes n’a bien voulu lui donner l’irresponsabilité de « père » malgré des pratiques sexuelles sans le latex recommandé par les massives campagnes anti-HIV qui ont accompagné ses années adolescentes et jeune adulte. Elles étaient tellement traumatisantes qu’il hésitait même à mettre un masque au moment d’embrasser une fille. Il ne voulait pas finir comme Freddy Mercury, son chanteur préféré après Gun Morgan. Quant à l’histoire du « restaurant », les 12 m² plantés au fond de Ivoir Exotic n’ont pas cette prétention.
Autour d’une table basse tout en longueur, on se serre sur des fauteuils au cuir élimé ou sur des tabourets pliables. Tant qu’on peut glisser un dos ou une paire de fesses, il y a de la place. Comme la porte, la petite fenêtre sur cour reste fermée. La voix d’un être humain en conversation normale est mesurée autour de 70 décibels. Un Ivoirien ne parle pas en dessous de 100. Les débats d’une dizaine d’Ivoiriens à propos de politique ou d’histoires de quartier tutoient aisément le niveau sonore d’une base aérienne. Les voisins pourraient croire à un raid et appeler le GIGN, les gendarmes d’élite. Mais l’inventeur du double vitrage a rencontré des Ivoiriens. On n’ouvre la fenêtre qu’au moment de la trêve. Quand la fumée des cigarettes est trop épaisse pour voir le deuxième voisin, Black Manoo crie : « Trêve ! » Les causeries s’arrêtent, la musique baisse. Personne n’a intérêt à ce qu’une plainte alerte la police. Personne n’a de papiers. « Rapatrié pour tapage nocturne » manque singulièrement de panache.
Black Manoo cuisine devant tous, dans un petit coin sur le chemin des toilettes. Menu unique et invariable, le « coucou », soupe de cous et de pattes de poulet relevée au piment antillais à des concentrations criminelles.
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