Guy Régis Junior, dramaturge haïtien, se remet dans la peau de l'enfant qu'il a été, les cinq fois où il a rencontré son père, de 3 à 12 ans. D'une écriture poétique, il revient sur ces événements de sa vie et les conséquences qu'ils ont laissés une fois le père reparti: les crises de douleur et de folie de sa mère, ses propres questionnements. l'enfant aurait préféré que ce père ne soit qu'un rêve, un fantôme, ce grand oiseau noir de la première rencontre et qu'il s'efface ainsi de sa mémoire plutôt que de revenir à la charge et de le faire souffrir.
L'auteur évoque ainsi, au passage, son île Haïti, les cabanes en tôle, les ouragans, le soleil et la pluie qui se disputent le cœur des Haïtiens, le départ en masse des hommes abandonnant au village femmes, enfants et vieillards.
Si au départ l'écriture semble simple et anecdotique, elle prend au cours du récit de plus en plus d'ampleur, jusqu'à enfler et éclater d'une douleur poétique. Je ne connais pas l'auteur, je sais qu'il reste en France lorsqu'il s'agit d'écrire. J'ai eu l'impression que dans son écriture son pays lui est revenu peu à peu dans la peau, dans le cœur et dans les tripes, pour s'apaiser à la fin comme une vague sur la grève.
Je remercie Babelio et Gallimard pour cet envoi et j'ai noté dans ma pal l'anthologie Une enfance haïtienne dans la même collection de l'éditeur, "Haute enfance".
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Récit à la premiere personne d'une enfance à Haiti, un jeune garçon de 12 ans raconte ses souvenirs d'enfance et notamment ses rares moments où il a pu croisé son père, eternel fantome dans son existence.
Portrait d'un village rural haitien, ce récit sur les manques liés à l'absence d'une figure paternelle est touchante et dépaysante mais reste un peu trop anecdotique et à la surface pour émouvoir profondément malgré une jolie plume d'un auteur que je ne connaissais pas !
Merci à Gallimard et à Babelio masse critique pour la découverte
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Les cinq fois où j'ai vu mon père
Guy Régis Jr
Gallimard, haute enfance, 195p, 2020
J'ai reçu le livre, comme un cadeau, grâce à une opération Masse Critique, et j'en remercie les organisateurs de Babelio.
Ce n'est pas un livre qui m'ait emballée. Dès les premières pages, j'ai senti que je n'accrocherais pas.
Il s'agit d'une enfance haïtienne, racontée à la première personne, une enfance marquée par l'absence du père, et par la frustration que cette absence provoque. L'enfant est élevé par sa mère, une très jeune femme, parfois possédée par Ogou quand elle s'énerve. Ils habitent à Liancourt, dans un village, une maison avec un toit en paille, comme toutes les maisons de là-bas, mais la leur est bleue. Des poules courent librement dans la cour. Cette maison, semble appartenir à la famille du père, la mère étant restée dans la localité du géniteur.
Le père voit peu l'enfant, alors qu'il n'habite pas très loin de chez lui. Le père et la mère se sont connus très jeunes. L'enfant est venu. Le père devait continuer à étudier. La famille paternelle s'est proposée pour prendre soin de l'enfant. La mère a refusé. Pire, elle a craché sur le père qui venait réclamer son enfant. Or, on ne crache pas sur un Haïtien.
L'enfant voit son père cinq fois, quand il a trois ans et que son père joue au jeu de l'ombre, quand il en a six, que sa mère l'emmène chez lui, qu'il pleut, que l'enfant refuse le père, quand il en a neuf, et qu'il célèbre, tout de blanc vêtu, sa première communion, grande cérémonie où le père se doit d'être là, et l'on mange, ce que l'on mange, et l'on boit, quand il en a dix, et que son père vient lui dire qu'il l'aime, et que sa mère ne sait pas ce qu'elle veut, quand il en a presque douze, autrement dit qu'il est presque un homme, et que son père s'en va, avec beaucoup d'autres hommes, fuyant par l'exil le régime politique, et la misère. J'ai bien aimé l'enfant à trois ans qui a sa vie à lui, faite de jeux et d'exploration.
L'enfant est sensible au soleil, qui ne part pas lui, ou en tout cas revient toujours, au temps, à l'état du ciel, à la consistance de la terre, souvent boue. « La terre s'offrait comme un bouquet ». Il regarde les oiseaux qui s'en vont, quand les cyclones sont en route. Il regarde les jeunes gens et leur comportement différent à la ville. Il voit l'agitation du marché. Il sent le poids des villageois au courant de tout ce qui se passe dans les familles, et qui jugent indigne le père qui vient voir son enfant les mains vides.
On va au-delà de Liancourt, en passant par le boulevard Jean-Jacques Dessalines, le grand homme du pays, vers l'Estère, et la mer. Mais on reste à hauteur d'enfant, qui apprend les choses peu à peu, que sa mère, Rose-Laure, lui a donné le nom de son père, cet homme au visage émacié, et qui arbore une moustache très fine. C'est peut-être pour cela qu'il aime le silence et son amitié taiseuse avec son copain Ernst, parce que sa mère ne lui dit pas tout, et peut-être ment, et que son père ne répond pas.
Le livre est comme un monologue intérieur, ou un poème en prose, ou une prière incantatoire, avec une écriture en forme de questions, des questions lancinantes, qui reviennent obstinément, qui se répètent, et qui attendent une réponse. L'écriture se déroule en vagues à chaque fois plus lourdes de la frustration de l'enfant qui veut comprendre et pouvoir vivre pleinement. Le père n'est pas là mais occupe toute la place.
Le monologue débouche sur un dialogue avec le père qui bien sûr demeure muet. D'autres dialogues se tiennent entre la mère et le père, entre la mère qui a peur que son fils ne s'en aille à son tour, et ce dernier, dont le premier mot prononcé, pour faire plaisir à sa mère, fut Pa-pa.
A la fin du livre, on a des informations dans un style tout autre, sous forme de courts chapitres, concernant ce qui a précédé la naissance de l'enfant, et un passage qui vient sans qu'on sache vraiment pourquoi signalant la bizarrerie du fils né avec un sexe d'homme et en-dessous comme un dessin de sexe de femme.
Ce livre ne me paraît pas abouti. Ce qui m'a le plus intéressée, ce sont toutes les informations données sur Haïti.
Je ne connaissais pas l'auteur né en Haïti en 1974 ; j'ai regardé quelques vidéos, l'écrivain aux activités multiples, poète, traducteur, homme de théâtre, attire la sympathie. Il fait bien comprendre la réalité de son pays, la différence de la conception de la famille, qui n'est pas la cellule familiale européenne occidentale, dans une île marquée par trois siècles d'esclavage, puis par la dictature des Duvalier entre autres, où les hommes ne sont pas là, partis dans d'autres pays, ou s'ils sont en Haïti, ne vivant pas dans la maison familiale. Père lui-même, il s'interroge sur ses propres absences, même si lui revient.
Mais, et je le regrette, le livre ne m'a pas convaincue.
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