Kaléna

Sentir la peau de l’autre frémir sous tes caresses, découvrir ses différents arômes en fonction de son excitation, entendre les gémissements qui t’indiquent ce qu'elle préfère, te réchauffer contre son corps au fur et à mesure que l’extase approche et plonger dans son regard quand le désir la consume. Les préliminaires c’est ce qui rend le sexe fabuleux, sinon c’est mécanique.

Un souvenir de ton passé, un pan de ta vie. Il ne sera plus jamais ton futur. Je sais que ça doit te paraître cruel, mais tu dois l’accepter.

C’est bouleversant, fabuleux, extraordinaire, et je ne peux empêcher mon corps de chercher à se rapprocher de celui de Marlon. J’en ai besoin. C’en est même vital.

Je redeviens cette femme amoureuse, blessée et trahie par l’homme qui lui a promis monts et merveilles. Je me transforme et  le ressens dans chaque parcelle de mon corps, je laisse les émotions affleurer tout en les contenant et je conserve mon objectif initial : mettre Dax mal à l’aise. Il m’impose ce dîner, je vais le faire passer pour un salaud aux yeux de sa sœur.

Son regard est incendiaire et je sais pertinemment que j’ai visé juste. Ma curiosité s’éveille tout à coup et je me surprends à vouloir connaître l’histoire de cet homme. Il se recule de quelques centimètres,  mâchoire crispée, retenant visiblement des paroles acerbes et me fixe jusqu’à ce qu’une étincelle brille dans ses yeux si particuliers.

Jouer la comédie comme je le fais dans le but de le rendre fou est une chose, partager un repas avec sa famille est au-dessus de mes forces. Et après tout, si je pars sans les prévenir, cela le mettra mal à l’aise et j’aurai réussi mon coup. Voilà, c’est ce que je vais faire, je vais filer à l’anglaise, et le laisser gérer les questions de sa sœur.

Cette jeune femme est ultra-sensible et elle ne peut pas rester seule après les émotions qu’elle a vécues ce soir. Donc, Dax, je te demanderai de bien te tenir et surtout de la respecter. Une femme n’est pas un jouet ! Je pensais que tu le savais mieux que quiconque.

Ce que j’aime chez lui, c’est son besoin de savoir que ma sœur est en sécurité. C’est pour cette raison que j’ai l’esprit tranquille depuis qu’elle est en couple avec lui. Je suis conscient qu’il fera tout pour la protéger et le regard méfiant qu’il lance à Harley me fait jubiler.

La première chose qui me frappe c’est son odeur. Ma sœur a cette particularité d’éveiller instinctivement mon côté protecteur et je la revois à l’âge de quatorze ans quand en pleurs je lui ai fait la promesse d’être toujours là pour elle. Je la serre un peu plus contre moi me rendant compte de notre parcours atypique et notre évolution. Mes sœurs sont les prunelles de mes yeux et je tuerais pour elles.

Un inconnu m’a proposé son aide, alors que je ne lui ai rien promis en échange. Il a même insisté devant ma méfiance et ne m’a pas fait payer ma course. Je ne sais ce que je dois en conclure, mais la carte me brûle les doigts, je décide donc de la ranger et de mettre de côté ce moment hors du temps pour me concentrer sur ma mission du soir : rappeler à Dax que ce n’est pas lui le maître du jeu.
C’est ça, je dois me focaliser sur ce que je dois faire et ne laisser aucun élément me perturber. Sous aucun prétexte.

Je déteste toujours le reflet que me renvoie le miroir et la ressemblance indéniable avec ma mère, mais imaginer la tête de Dax quand je mettrai mon plan à exécution suffit à éloigner les fantômes de mon passé. J’accentue mon maquillage pour le rendre plus sophistiqué, puis une fois que le résultat me convient, je me dirige sur le parking. C’est uniquement lorsque je suis face à ma moto que je prends conscience que rouler en deux-roues va être compliqué.

Héritière d’une famille de la haute, elle est en pleine rébellion depuis qu’elle a pris conscience que sa vie était toute tracée, mariage arrangé, femme au foyer, pas le droit à la parole. Elle a décidé de s’opposer à sa famille qui lui a coupé les vivres. Elle n’a plus personne pour la soutenir et elle est perdue.

Cette femme dégage quelque chose de fragile et de fort à la fois. En une fraction de seconde, son attitude change et cette fragilité que je décèle parfois chez elle disparaît pour laisser place à une femme que rien ne peut atteindre, pourtant je suis certain qu’il existe une faille qui me permettra de connaître la vraie Harley.

Même pendant la période la plus pénible de leur adolescence, mes sœurs n’ont jamais été comme elle. Je suppose que le passé de la poupée explique son besoin de confrontation qu’elle semble porter comme un étendard. Elle accélère m’obligeant à me concentrer sur ma course. Heureusement que ma condition physique est au top, car la demoiselle m’aurait déjà semé.

Je ne serai plus une poupée pour personne, on ne me manipulera plus. Je relance ma playlist, repositionne mes écouteurs et reprends ma course en direction du QG. Après une centaine de mètres, je me permets de regarder en arrière et découvre le Blood Panthers en train de trottiner. Ce n’est pas tant sa présence qui me dérange, mais le sourire triomphant qu’il affiche.

La musique hurle toujours dans mes oreilles, mais cela ne m’empêche pas de savoir que l’on me suit. Je ressens une brûlure dans mon dos tant le regard de celui qui m’épie ne me quitte pas. Instinctivement, je ralentis ma cadence et vérifie que j’ai mon couteau sur moi. Il est là puisque je ne m'en sépare jamais, mais j’ai besoin de son contact pour me tranquilliser.

Ce n’est pas ma faute si cette nana ressemble à une de ces poupées que mes sœurs avaient. Un visage angélique, un grain de peau si fin qu’il semble irréel et ses grands yeux si expressifs. C’est une putain de poupée.

Ma petite sœur a toujours eu une langue bien pendue et fait entendre son opinion même si elle n’allait pas dans le mood de l’assemblée dans laquelle elle se trouvait, alors j’imagine parfaitement la scène si quelqu’un me jette un regard hautain.

Dans le miroir, je découvre celle que j’aurais dû être, une jeune femme aux cheveux blond presque platine, habillée d’un carré sage et réglementaire que mon rang dans la société exige. Mes yeux bleus expriment bien trop d’horreurs vues et vécues, et mes lèvres ne sont en cet instant qu’une fine ligne.
Je lui ressemble !
Ce constat déclenche en moi une colère sans nom. Je suis le portrait craché de ma mère. Celle que je pensais être mon alliée, mais qui a été sa complice. Ce n’est pas qu’elle a cautionné ce que mon géniteur me faisait, mais elle a fermé les yeux face à ses gestes déplacés et montait le son de la chaîne hifi pour couvrir mes cris. Elle a peut-être eu un sursaut de conscience quand mon enfer a pris fin, mais je ne suis pas certaine que ses motivations soient aussi belles qu’elle a voulu me le faire croire.

Je suis une Amazone. Je venge les femmes meurtries que la justice abandonne, je prends plaisir à punir ces hommes qui abusent de leur soi-disant supériorité. Des hommes, cela me fait mal de leur donner ce nom, car ils sont pour moi des monstres sans coeur, lâches et faibles, puisqu’ils s’en prennent à plus fragiles qu’eux. Ils n’en mènent pas large quand ils sont face à mes sœurs ou à moi et qu’ils comprennent que cette fois-ci ils sont victimes et non bourreaux.