En rentrant chez moi, au lieu de trouver mon père, j’ai vu un petit chat au museau rose et à la frimousse débile qui avait compissé mes pantoufles ; alors j’ai dû prendre celles de mon père pour sortir dans la cour boire le café avec Peter et Maman. Les yeux de ma mère avaient eu le temps de devenir rouges et sa bouche laissait quelquefois échapper des jurons qui, heureusement, n’étaient pas liés aux livres de mon père, son crime. Une certaine apathie s’emparait de moi, je sentais que je me réconciliais avec tout à une vitesse vertigineuse, mais il faut dire que nous nous y attendions tous, et c’est à ce moment précis que je me suis rendu compte que ce qui était resté inaccompli était simplement en train de s’accomplir. Au-dessus de nos têtes un lilas répandait son parfum et je tournais voluptueusement mon visage vers le soleil de mai, fermant mes yeux fatigués par l’insomnie.
« Je n’ai eu le temps de lui donner que sa brosse à dents et son peigne, disait Maman, il n’a rien emporté, il n’a pas d’argent, pas même une couronne.
Ca ne doit pas te tracasser pour le moment, lui ai-je répondu, nous devrions plutôt nous préparer… à ne pas le voir… trois, quatre ans. »