POESIE DE MOLIÈRE
STANCES GALANTES
Souffrez qu'amour cette nuit vous réveille,
Par mes soupirs,laissez-vous enflammer:
Vous dormez trop,adorable merveille,
Car c'est dormir que de ne point aimer.
Ne craignez rien dans l'amoureux empire,
Le mal n'est pas si grand que l'on le fait :
Et lors qu'on aime et que le coeur soupire,
Son propre mal souvent le satisfait.
Le mal d'aimer,c'est de le vouloir taire:
Pour l'éviter,parlez en ma faveur.
Amour le veut,n'en faites point mystère ;
Mais vous tremblez,et ce dieu vous fait peur.
Peut-on souffrir une plus douce peine,
Peut-on subir une plus douce loi,
Qu'étant des coeurs l'unique souveraine,
Dessus le vôtre Amour agisse en roi?
Rendez-vous donc,ô divine Amarante,
Soumettez-vous aux volontés d'Amour;
Aimez pendant que vous êtes charmante,
Car le temps passe,et n'a point de retour.