Noëline

La neige d'un blanc immaculé recouvre des champs immenses qui, je le devine, doivent être d'un vert éclatant l'été.
Vous voulez que je vous dépose où ? Demande-t-il, alors que nous arrivons aux abords du village.
Eh bien, j'ai besoin d'aller à l'office du tourisme. Je souhaite me rendre aux neiges éternelles; d'après ce que l'on m'a dit, il y a un lac pas loin et je dois impérativement y aller.

Alors que je porte la tasse à mes lèvres, mon regard tombe sur une feuille de papier posée sur le bar. Je me déplace en tenant ma tasse à deux mains afin de les réchauffer. Mais quand je lis le mot que Mathieu m’a laissé, je laisse échapper la tasse qui explose sur le plan de travail répandant du café sur toute sa surface…

Je passe donc d’une pièce à l’autre, ne supportant plus le sur place. Comme si l’immobilité me donnait la sensation de m’enliser et que mon inconscient, dans une lutte désespérée, tentait de se débattre pour que la douleur ne m’entraîne pas plus bas.

Heureux ! Ce mot me semble dérisoire à présent. Comment être heureux après un tel drame ? Comment retrouver la joie de vivre qui me caractérisait ? Comment sourire ou même rire après ça ?

"Au moment où je me retourne pour le regarder partir, je le vois à côté de la voiture, les bras ballants et le visage légèrement choqué.

— Il y a un problème ?

— Un petit, oui ! Vous comptez me payer ?

La honte ! Il tendait la main pour recevoir le prix de sa course et moi, comme une conne, je me la joue grande dame qui descend de sa calèche "

Mathieu me dit :
— Si j'étais toi, je ne ferai pas...
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que mon sac touche le tronc de l'arbre avec une douceur modérée. Suite au choc, les branches du vieux conifère sont prises de tremblements. Je ne savais pas que les arbres pouvaient faire des crises d'épilepsie. Mais je n'ai pas le temps non plus d'aller plus loin dans ma réflexion, car un tas de neige vient s'écraser sans ménagement sur ma tête, me faisant perdre l'équilibre et, emportée par le poids de mon barda, me voilà sur le dos, les quatre fers en l'air telle une vieille Tortue Ninja défraîchie.