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Citation de Lutopie


Le nombre de ceux qui peuvent dignement avoir commerce avec la philosophie, reste donc bien petit, mon cher Adimante ; ou quelque noble esprit perfectionné par l’éducation, et qui, relégué dans l’exil, demeure fidèle à la philosophie, comme il convient à sa nature, et loin des causes qui auraient pu le corrompre ; ou bien quelque grande ame qui, née dans un petit État, méprise et dédaigne les charges publiques ; ou, à grand’peine encore, quelque esprit heureusement doué qui déserte, avec raison, toute autre profession, pour se livrer à la philosophie. D’autres enfin peuvent être arrêtés par le même frein qui retient auprès d’elle notre ami Théagès[5]. Tout conspire à l’éloigner de la philosophie : mais ses maladies continuelles l’y tiennent constamment attaché, l’empêchant de se mêler des affaires publiques. Pour ce qui me regarde, il ne convient guère de parler de cette voix divine qui m’avertit intérieurement[6] : car on en trouverait à peine un autre exemple dans le passé. Or, parmi ce petit nombre d’hommes, celui qui goûte et qui a goûté la douceur et la félicité que donne la sagesse, lorsqu’en même temps il voit en plein la folie de la multitude et l’extravagance de tous les gouvernemens, lorsqu’il n’aperçoit autour de lui personne avec qui il pût, sans se perdre, marcher au secours de la justice, et que, semblable à un homme qui se trouve au milieu de bêtes féroces, incapable de partager les injustices d’autrui et trop faible pour s’y opposer à lui seul, il reconnaît qu’avant d’avoir pu rendre quelque service à l’État ou à ses amis, il lui faudrait périr inutile à lui-même et aux autres, alors ayant bien fait toutes ces réflexions, il se tient en repos, uniquement occupé de ses propres affaires, et comme le voyageur pendant l’orage, abrité derrière quelque petit mur contre les tourbillons de poussière et de pluie, voyant de sa retraite l’injustice envelopper les autres hommes, il se trouve heureux s’il peut couler ici-bas des jours purs et irréprochables, et quitter cette vie avec une ame calme et sereine, et une belle espérance.

Sortir ainsi de la vie ce n’est pas l’avoir mal employée.

Mais c’est aussi n’avoir pas rempli sa plus haute destinée, faute d’avoir vécu sous une forme convenable de gouvernement. Suppose un gouvernement pareil, le philosophe va grandir encore et devenir le sauveur de l’État et des particuliers. Je crois avoir suffisamment montré la cause et l’injustice des reproches qu’on fait à la philosophie : aurais-tu quelque autre chose à dire ?
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