Chenille qui voulait rattraper
Papillon
– Si j’avais su que ça existait, j’aurais attendu, mais le temps
serait passé quand même. Chenille n’aurait jamais rattrapé
Papillon et Papillon ne redeviendra jamais Chenille.
– Pourquoi dis-tu ça ? As-tu des regrets ? demande
Chenille.
– Bien au contraire ! Je remercie la vie qui a permis un
espace pour se rencontrer, même si c’est court comme un
battement d’ailes, rendons-lui hommage de nous avoir permis
d’être sages !
– Mais Papillon ! Pourquoi es-tu venu à moi ?
– Parce que tu m’as fait signe, et que ta couleur m’a intrigué
et qu’il semblait, manquer parfois un peu d’assurance dans
ta démarche, et je voulais enfin t’offrir un miroir pour que
rejaillisse sur toi la lumière que tu émanes.
– Excuse-moi, Papillon, je ne me rappelle pas ce signe,
j’ai le souvenir du bienfait de conversations toujours trop
courtes. Toi, tu voles et virevoltes et je ne sais jamais quand je
te reverrai, mais il est arrivé bien des fois où nos pensées nous
ont fait nous rencontrer.
– Petite Chenille, ton langage est parfois plus grand que ta
taille, tu ne remarques pas comme ton verbe est doux, prends en
conscience, tu peux tellement apporter ! Ne t’attache pas à
l’image que tu as de toi, sois patient, le temps de la métamorphose
est proche, tu seras surpris toi-même de la beauté de tes
ailes !
– Après tous ces mots échangés, Papillon, je sens bien qu’il
se tisse un lien, même si j’ai du mal à le définir.
– Ne confonds pas, Chenille, c’est juste le fil de ton cocon,
que j’effleure un instant, et toi, il faut que tu apprennes à le
tisser. C’est la seule chose à laquelle tu dois t’attacher. Moi, je
poursuis le fil de ma vie qui semble déjà être bien tracé.
– Je ne sais pas trop si je comprends ce que tu ressens, mais
ta joie légère et ton besoin de partage parfois m’intriguent.
Je me sens tellement différent de mon environnement, que
parfois, j’ai des doutes, et rentrer dans mon cocon me fait peur.
On dirait que je ne suis pas prêt pour une vie d’adulte rangé !
– Chenille, tu recommences, cesse ton pessimisme et ta
râlerie ! Elle est comme la durée de vie de notre espèce, complètement
éphémère.
– Tu as raison, moi aussi, j’ai le droit d’être heureux. C’est
drôle, par moments, avec toi, Papillon, j’oublie, j’ai des envies
de bonheur, j’ai envie de faire des choses positives, je me sens
pousser des ailes…
– Cesse de parler Chenille, tes ailes vont pousser, c’est sûr !
Rentre vite dans ton cocon et bientôt, à ton tour, tu seras
un beau papillon aux couleurs magnifiques ! Je t’imagine volant
et d’un coup amplifier l’intensité de ta lumière pour, à ton tour,
donner naissance à de belles chenilles ; je n’ai aucune crainte.
Je sais que tu prendras soin de tes cocons et que tu veilleras à
leur métamorphose. Je suis persuadée que l’on t’a installé sur
la plus belle branche du mûrier, que la nourriture est abondante
et que Dame Chenille, posée à tes côtés, est celle qui te
guidera.
– Papillon ! Je ne te vois plus, mon cocon se referme à
grande vitesse ! Je ne vois plus le soleil !
– N’aie pas peur, c’est une douce vie qui t’attend, aussi
douce que le fil de soie qui t’entoure. Je prie fort pour toi.
Rapproche-toi si tu peux de celle qui sera ta compagne. Il y
a près de l’arbre un beau lac ; à la sortie de votre chrysalide,
prends-la par l’aile et venez regarder votre reflet, je suis sûr que
tu seras surpris de l’accord parfait de vos deux êtres.
– Papillon, un instant ! Seras-tu là à ma sortie ?
– Non !
– Pourquoi ?
– Le livre de la vie ne se lit que dans un sens et parce que
Chenille ne rattrapera jamais Papillon, et Papillon ne redeviendra
jamais Chenille, mais ne t’inquiète pas, tu ne garderas
aucun souvenir de ce temps échangé. Maintenant, ferme les
yeux, ne parle plus, garde tes forces pour ta métamorphose