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Citation de MegGomar


— Vous avez vu les gros titres : « Une femme d’affaires coriace rejette un
mariage de raison pour renouer avec son ancien béguin » ou quelque chose
dans ce genre ? Dieu sait ce que les gens peuvent bien penser de moi depuis
que les journaux en ont fait leurs choux gras. Les médias m’ont transformée
en monstre : tentative de meurtre, adultère, voilà l’image qu’ils donnent de
moi. Cela m’a isolée des autres femmes, et mes amis et ma famille me
tiennent aussi à distance. Mais la notoriété m’a valu quelques bénéfices
inattendus.
Zhou Ting a éclaté d’un rire amer.
— Vous voulez dire que votre travail en profite ?
— Oui. Tous ces potins sur moi font que les gens suivent mes options de
vente parce qu’ils sont curieux.
Elle a écarté les doigts, exhibant les bagues qui ornaient ses mains.
— Ainsi votre vie personnelle a contribué à vos succès professionnels, ai-
je commenté d’un ton rêveur, me désolant à l’idée que c’était ainsi que le
succès venait aux femmes.
— On peut dire ça. Mais les gens ne savent pas le prix que j’ai dû payer
pour en arriver là.
— Certains prétendent que les femmes doivent toujours sacrifier leurs
émotions à la réussite.
— En Chine, c’est presque toujours le cas, a déclaré Zhou Ting, en
choisissant précautionneusement ses mots.
— Si une femme vous demandait le secret de votre réussite, que lui
répondriez-vous ?
— Tout d’abord, mettre de côté votre sensibilité féminine et laisser les
médias s’ébahir sur votre différence. Deuxièmement, mettre votre cœur en
lambeaux et créer une bonne histoire pour la presse. Puis utiliser vos
cicatrices comme un argument commercial : les étaler ; raconter au public
vos souffrances. Pendant que les gens s’extasient sur les épreuves que vous
avez traversées, disposer vos produits sur les comptoirs et empocher
l’argent.
— Oh, Zhou Ting ! Est-ce vraiment ainsi que ça se passe ?
— Oui. Du moins, à ce que j’en comprends, a-t-elle dit avec sérieux.
— Comment faites-vous alors pour supporter la vie ?
Une fois de plus, le courage des femmes m’émerveillait.
— Vous avez un cal sur la main ? Ou des cicatrices sur le corps ? Touchez-
les : vous sentez quelque chose ?
Zhou Ting parlait avec douceur, mais ses paroles m’accablaient. Elle s’est
levée pour partir.
— Je suis navrée, il est six heures et je dois me rendre dans plusieurs
grands magasins pour vérifier leurs stocks d’approvisionnement. Merci de
cette rencontre.
— Merci à vous. J’espère que l’amour adoucira les cals sur votre cœur.
Zhou Ting avait retrouvé son calme. D’une voix dure, elle a conclu :
— Non, merci à vous, mais mieux vaut être insensible que de souffrir.
Le soleil se couchait quand j’ai quitté le restaurant. J’ai pensé à la
fraîcheur de l’aube et combien le soleil devait être las au bout d’une journée
de travail. Le soleil dispense sa chaleur ; les femmes aiment : ils font la
même expérience. Bien des gens croient que les Chinoises qui réussissent
ne s’intéressent qu’à l’argent ; peu mesurent les souffrances qu’elles
doivent traverser pour arriver là où elles sont.
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