Le marquis avance la tête hors de la fenêtre pour écouter. Des rires, des causeries, se confondent avec le retentissement des pas qui s'éloignent ; tout à coup, et comme le bruit semblait prêt à se perdre dans le silence, une voix de ténor limpide et sonore jette comme un dernier conseil et un dernier adieu à travers l'espace, en brodant le thème de notes pimpantes et moqueuses : "L'indifférence !... c'est le bonheur !"
Je vous préviendrai ensuite que rien ne m'irrite comme d'entendre célébrer ma politesse, surtout sans la comprendre. Il faut être en pleine révolution, comme nous le sommes depuis soixante ans, pour oser croire que l'on vante une femme de la bonne compagnie en lui disant qu'elle est polie. Sachez que ma politesse, à moi, est la monnaie de mon cœur, véritable lingot d'or dont je donne les scories à la foule...
Je me sens d'une horrible tristesse. Ce n'est cependant pas la première fois que Perdita m'a reproché les jours de bonheur dont elle me semble me faire l'aumône. (Il regarde autour de lui.) Que j'aime ce lieu ! Ai-je jamais vécu en dehors de ces murs ? Mes beaux rêves, mes amours brûlantes, mes larmes mystérieuses, mes extases solitaires... tout est là pour moi.
Me voici à Lyon, et la longue route de Paris ne m'a rien duré. La raillerie gracieusement sceptique de Raoul de Mauduit chatouille mon enthousiasme et réveille en moi le besoin de vivre et de sentir. Il me semble parfois que son indifférence systématique recouvre de vives impressions et peut-être de douloureuses blessures.