De 1660 à 1680, c'est encore la Normandie qui fournit le plus fort contingent, 481 ; l'émigration de l'Ile-de-France, qui ne devient sérieuse que dans cette période, est de 378 ; celle de l'Aunis, de 293 ; celle du Poitou, de 357. L'ère des grandes émigrations était terminée : un petit nombre de familles seulement vinrent se fixer au Canada après 1673.
Quelle langue parlaient ces émigrés ?
Pour ceux de l'Île-de-France, ils parlaient le français, sans doute. Il ne serait cependant pas exact de dire qu'ils parlaient tous le français littéraire du temps ; car, outre que les habitants de l'Île-de-France venus au Canada n'appartenaient pas tous à la classe instruite, un grand nombre de ceux qui furent enrôlés dans les levées d'hommes faites aux environs de Paris étaient des patoisants de la Normandie, de la Bourgogne, etc.
LES VIEUX INSTRUMENTS
Accrochés aux fiches de bois, ou dressés contre le mur, les vieux instruments sont dans un coin du hangar, dans un coin où l'on n'a jamais affaire. Ils sont là, sous la poussière et dans la nuit, le grand van à deux poignées, la fourche aux fourchons de bois, le fléau, la faucille, la braye,
et aussi la petite faux, et déjà le javelier . . .
C'est l'oncle Jean qui a rassemblé ces vieux objets, compagnons des anciens labeurs. Le van gisait au fond de la tasserie : avant la rentrée des foins, l'oncle a mis à l'abri cette relique. La faucille, toute rouillée, était par terre, dans le jardin : il l'a ramassée. Il a trouvé le fléau dans le fenil, la fourche dans l'étable, la faux et le javelier sur les entraits de la grange, la braye dans le grenier du fournil. . . L'un après l'autre, de-ci de-là, l'oncle Jean les a recueillis ; il les a portés dans le hangar, loin des regards curieux, loin des insultes. Il y a là aussi, comme en un musée d'humbles antiquailles, un soc de charrue, le fer ébréché d'une bêche, une enclume à deux cornes, des goutterelles, des morceaux d'attelage. . .
Ce sont les vieux amis du vieux laboureur. De temps en temps, il va les voir. Il les manie, il leur parle à voix basse. A voix basse, les vieux instruments lui répondent peut-être.
Puisqu'il nous paraît certain que. dans les premiers temps de la colonie, il vint au Canada un bon nombre de patoisants, les uns qui parlaient aussi le français, les autres qui l'apprirent bientôt mais qui d'abord ne le savaient point, nous croyons pouvoir affirmer que. bien que le français ait été dès le début la langue dominante, les patois français furent parlés au Canada pendant un certain temps, non pas par tous, non pas par la classe dirigeante, mais par le peuple, dans la famille du colon.
De même, dans les temps modernes, les écrivains se sont plaint souvent, soit de l'arbitraire des censures auxquelles ils étaient soumis, soit de la gravité des peines qui pouvaient leur être infligées. A de certaines époques, la punition encourue pour la publication d'un libelle diffamatoire a pu aller jusqu'au bannissement, et ce fut même, pour des cas particulièrement odieux, le fouet et le dernier supplice.
Des plaintes de nos journalistes, il ne faudrait pas s'étonner comme de choses neuves. Il ne s'y trouve vraiment pas de nouvelleté. Depuis si longtemps déjà qu'il y a des gazettes, et qui se mêlent des affaires d'autrui, on est habitué d'entendre des réclamations pareilles.