Adolphe Biedermann

Un jour les nobles barons et chevaliers, par commande-ment du conte, firent un tournoiement et joustes en la conté de Provence desquelles eut le pris ledit Pierre, nonobstant qu’il y eut plusieurs nobles et vaillans chevaliers de diverses et estranges contrées, lesquels le conte festoya moult hautement pour l’honneur de son fils et leur fit grans dons. Et les estranges chevaliers disoient au conte que au monde ne se pourroit trou-ver un plus vaillant chevalier comme estoit son fils Pierre.
Et parloient les uns avec les autres en la court de plusieurs matieres chacun en son endroit. Et par especial un d’iceux chevaliers va raconter la merveilleuse beauté de Maguelonne, fille du roy Maguelon, roy de Naples, pour laquelle tous les vaillans chevaliers du monde y venoient faire armes et chevaleries. Et un autre va dire a Pierre : « Noble Pierre vous devriez chercher le monde et monstrer vostre prouesse et essayer vostre corps. Et sans faute, si vous m’en croyez vous irez voir le monde pour vostre honneur et profit et conquesterez l’amour de quelque belle dame dont vous en vauldrez mieux tous les jours de vostre vie. »
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Et regardant soy en ceste povre misere et extreme nécessité, abandonna vertu et courage d’homme comme celuy qui est près de la mort, pensant seulement a dieu, en luy priant qu’il eust mercy de son ame. Mais luy qui est tant miséricordieux, qui esprouve et essaye ses amis en diverses peines et tribulations en ce monde et puis les esleve quant les trouve fermes envers luy et entiers, ainsi comme luy plut permit que en iceluy lieu vint une barque de pescheurs, qui peschoient en mer, pour aller prendre eaue douce.

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Ainsi lamentoit et plouroit le noble Pierre icelle nuit jusques a ce qu’il fust jour. Et quant le jour fut clair il commença d’aller et de vironner l’isle, admirant et regardant en la mer s’il pourroit voir aucune nef ou barque qui le levast d’iceluy lieu. Mais ne veoit rien qui luy pust donner secours ne aide, ne avoit a manger ne a boire sinon des herbes et de l’eaue de la fontaine. Et en ceste maniere demoura Pierre quatre jours, et par faute de manger il devint tant foible et débilité qu’il ne se pouvoit soutenir sur ses piés et se seoit au pié d’une fontaine. Et d’illec prenoit son soustenement de boire, lequel ne luy estoit pas souffisant.(p87)
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