AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

4.5/5 (sur 15 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Angoulême
Biographie :

Agnès Ollard est née à Angoulême où elle réside toujours. Après une vie professionnelle consacrée à la psychiatrie, elle continue à travers ses romans de témoigner de la complexité et la fragilité de l’être, irrigué par le monde qui l’entoure.

Ajouter des informations
Bibliographie de Agnès Ollard   (3)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (9) Ajouter une citation
Oui le père avait espéré un enfant qui le comble.
Alex tout d'abord, jolie et délicate mais si empruntée qu'elle traversa la vie en s'excusant d'être sans grâce et sans talent, alors elle fût sans grâce et sans talent et quoique fasse Max, jamais elle ne leva les yeux vers le soleil et se contenta de regarder la poussière de ses souliers.
Puis Léa est venue et Max a cru à la rencontre. Il aima d'abord cette exubérance effrontée qui allait bientôt se retourner contre lui. Elle était une panthère qu'on admire pour sa sauvagerie mais qui ne se laisse ni approcher, ni apprivoiser et encore moins dresser.
Puis il y eut Julien qui allait être enfin celui qu'il attendait. Un autre lui-même, en mieux. Mais ce fut Julien. Ce ne fut que Julien. Timoré et falot. Julien fut le dernier espoir avorté. Julien mi-fille mi-mâle, mi-révolté, mi-consentant,
mi-doué, mi-idiot. Julien, demi partout, partout demi.
"Comment voulez-vous ?" disait Max sans pouvoir finir sa phrase, sans pouvoir dire qu'il ne pouvait comprendre et encore moins aimer cette progéniture si peu aimable.
Et pourtant pour être juste, Max a essayé. Comme un jardinier maladroit, de toutes ses forces, il a lutté. Il a soigné les greffes, coupé les moignons, taillé les rejets, arraché les mauvaises herbes. Il a biné, brûlé, cisaillé, en vain, ses plantes végétaient.
Alex baissait la tête, Léa levait la tête, Julien était sans tête et sans couilles.
Max avait juste oublié une chose, l'essence des êtres.
Il avait oublié l'eau et la lumière.
Alors quand il ne put rien tirer de ces racines malingres qui ne donnaient ni sève, ni fleur, ni fruit, alors le jardinier mit un coup de pied dans la terre stérile et s'en fut dépité s'occuper d'affaires plus gratifiantes.
Commenter  J’apprécie          103
14 Mars 1923

A toi maman, je peux dire la vérité et me livrer sans crainte. 

L’écriture permet la distance, mieux encore, le détachement de celui qui s’y livre. A mesure que les mots se dessinent sur la feuille, le réel se décentre et vit sans le conteur. Quel bonheur ! Voilà une impression bien singulière de raconter sa propre histoire et de s’entendre la raconter. C’est à la fois la mienne et une autre ! Une histoire familière sur fond d’étrangeté ! Oui, c’est un sentiment curieux, presqu’effrayant de découvrir des faits en même temps que ceux qui m’interrogent et me jugent. Ils me pressent et m’oppressent et ne me croient pas quand j’affirme que je ne sais pas répondre à leurs questions. C’est vrai et pourtant ils me croient folle. Tous le croient et après tout, peut-être ont-ils raison. Ou tort ?
Mais en fait, quelle importance de savoir s’ils ont raison ou tort, puisque j’ai fait ce dont ils m’accusent. Je me revoie exécuter les gestes les uns après les autres comme si je suivais une actrice jouant dans un film muet qui passe au ralenti ou parfois s’accélère. Au bout d’un moment, je n’y comprends plus rien. D’ailleurs personne ne comprendrait. En revanche, parfois, je revois des gros plans : un visage, la couleur d’un mur, le velours d’une peau. Ce serait comme des photos si nettes, qu’on les croirait réelles. Je vois aussi, cette fille qui bouge, marche, ouvre des placards, referme des tiroirs et je pourrais être elle mais je suis quelque part, en dehors du tableau, assise ou debout à la regarder faire.
Indifférente et silencieuse.
En somme, c’est ce qu’ils me reprochent : ne rien dire, rien expliquer, rien justifier.
Mais, il m’est impossible d’expliquer, ce que je ne sais m’expliquer à moi-même et je jure, sans mentir, ne pas savoir si j’étais moi ou l’autre. Ils me prennent tour à tour pour une menteuse ou une démente ou une simulatrice et quoique je puisse dire ou ne pas dire, c’est pire encore. Maintenant je me tais même si c’est encore pire. Les uns, après les autres, des experts de renom sont venus m’interroger. Ils m’ont posé des tas de questions sur ma vie, ma mère, mon père, ma tante, mon mari, ma fille et surtout les amants que je n’ai pas eus. Ils ont fouillé dans tous les coins, ont retourné les matelas, ont ouvert les placards, les cercueils, ont inspecté les draps, disséqué mes rêves et déterré mes souvenirs. J’ai dessiné, j’ai écrit, j’ai regardé des images et eux me regardaient faire. J’ai tout exécuté avec docilité même quand ils déchiraient l’intime. Ensuite, toujours, ils soupiraient, hochaient, parfois souriaient mais toujours me refermaient la porte au nez sans m’expliquer. Ce sont ces imminents experts qui, maintenant, se disputent et me jurent coupable ou innocente. Tout le monde s’y perd ! Moi la première ! Ces imbroglios rendent l’accusation nerveuse et la défense s’énerve. Et voici, qu’ils me rendent responsable de leur incertitude.
Je devrais savoir si oui ou non, je suis folle et devrais le leur dire.
Comment le saurais-je, pauvre ignorante si la science l’ignore. Je les fixe, ahurie mais mes juges me trouvent arrogante. Je baisse alors les yeux mais ils me disent sournoise et si je les détourne, il parait que je fuis. J’ai tout essayé, je me suis appliquée, debout, assise, en avant, en arrière mais comme rien n’y fait, je ne fais plus rien. Je ne dis plus rien. Je ne nie rien et n’avoue rien. Qu’ils se débrouillent sans moi. Ils veulent savoir si au moment des faits, j’étais présente-absente ou absente-présente. Je te promets que malgré mes efforts, je ne sais pas répondre. Et puisque personne ne le peut, qu’on s’en tienne aux preuves, aux relevés, aux empreintes, aux portes fermées de l’intérieur ou l’inverse et que cessent ces finasseries.
C’est moi, c’est tout, c’est tout moi.
Commenter  J’apprécie          40
14 Mars 1923 
A toi, je veux bien dire la vérité. C’est vrai, j’ai tué ces pauvres petits vieux. 
Tout a commencé par une petite dame toute douce, toute aimante. 
Voilà maintenant, 13 mois, 9 jours qu’elle est morte sans compter les jours où elle suppliait les médecins de la laisser mourir. Mais voilà, son corps martyrisé et ses larmes n’y purent rien changer. Il fallait attendre le bout de sa souffrance et ils jugeaient qu’elle n’avait pas encore assez souffert. Quand sa chair fut mangée et ses os brisés, quand seul ses yeux ont continué à côtoyer l’enfer, ils ont dit qu’il était encore trop tôt. Puis, lorsque le regard fut éteint, ils ont mis des tuyaux pour qu’elle souffre encore. Encore et encore plus. 
Malgré tout, elle a fini par gagner le combat. Malgré eux. Malgré tout. Elle est partie, en douce, une nuit. Elle a filé comme une fugitive. Elle nous fuyait et me fuyait, moi sans courage d’abréger son calvaire.
J’ai compris qu’il fallait une main pour délivrer les faibles et les souffrants. 
A qui pouvaient-ils demander grâce ? Qui les écouterait ?
J’ai ce jour-là prêté serment.
Je les ai tués un à un de mes mains et accompli ce que je devais faire, avec amour et compassion. Maintenant, je les entends dire que je suis le diable tout puissant. Ils me disent malfaisante et qu’il faut m’écraser pour m’empêcher de nuire. 
Ils me demandent si je regrette. Cette question est plus difficile qu’il y parait. Je regrette les personnes, leurs regards, leurs mains fragiles, leurs sourires parfois. Je regrette leur présence mais ce ne sont que des mots et des atermoiements absurdes. Le sujet n’est pas là. 
Alors quand mes juges me posent la question : « Regrettez-vous ? » 
Je réponds NON. 
 
Ils m’ont condamnée, sans savoir, sans comprendre. 
Ils m’ont condamnée à mort. Hier ! Comme les jambes refusaient d’obéir, ils m’ont trainée au milieu du prétoire pour me lire la sentence et lorsque je me suis affaissée, évanouie, ils ont dit que je manquais de courage. Ils ont dit aussi qu’ils me conduiraient à la guillotine, en chemise, pieds nus avec un voile noir sur la tête. Imagine ! 
Ils ont pris une seule heure de leur vie pour décider de ma mort. Ils étaient douze hommes pour tuer le monstre mais je ne suis pas la bête sanguinaire qu’ils décrivent et toi qui me lis, tu le sais bien. 
Que connaissent-ils de moi, ces jurés cravatés qui détournaient les yeux. 
Ce n’est pas vrai ! Je ne manque pas de courage mais comment ne pas sentir la lame sur ma nuque ? Qui pourrait dormir du sommeil du juste ? Au milieu de mes cauchemars, je sens la souffrance qui monte de mes jambes vers mon cou. J’entends les clous des menuisiers qui montent l’échafaud. Un cri m’étouffe et la terreur ruisselle. J’essaie de rester éveillée. Et je t’écris au milieu de la nuit pour fuir les fantômes et les pendus. Pourquoi, n’es-tu pas venue maman ? As-tu eu peur de ce qui se dirait ? J’ai tant espéré que tu viendrais au cours du procès. J’ai attendu chaque seconde de ces quatre jours où ils m’ont traitée de tout. Tu aurais peut-être pu leur dire que moi aussi je pouvais être douce et aimante.  
Commenter  J’apprécie          40
Il est deux heures du matin et cette nuit sera peut-être la dernière de la fin du monde tant l'orage au loin roule ses colères. Les éclairs percent les étangs d'arcs d'or et le ciel est si pur, si noir qu'il semble vouloir éteindre la lumière pour toujours. Toutes les étoiles ont filé, tout le vent est tombé, toute la vie s'est tue, nous laissant seuls dans cette éternité.
Commenter  J’apprécie          40
La lecture de ce livre touche au plus profond de l'enfance et des souvenirs
Une sensibilité et délicatesse dans chaque ligne de ce récit
des personnages touchants par leur fragilité, leur histoire..
Ce livre est un pur moment de plaisir et une fine analyse de l'humain!
Commenter  J’apprécie          40
Je me suis taillé les cheveux comme d'autres se taillent les veines car il m'a semblé que seul ce châtiment de honte, me permettrait de vivre, qu'il me fallait faire ce chemin, prendre le temps de la repousse pour reprendre le sens de ma propre vie.
Commenter  J’apprécie          40
Très beau premier roman
Une écriture soignée, du style et du rythme
Une manière toute personnelle de dépeindre ses personnages aux destins ordinaires...
Beaucoup d'émotions et d'humour!
Une façon de témoigner de la fragilité de l'être face à la rudesse du monde....
Qui nous éclaire!
Commenter  J’apprécie          30
Ces récits sont des rectos de l'histoire, des négatifs de vérités, des zombis de guerres, ce dont personne ne parle tant il est malaisé de séparer l'ombre de sa lumière. Alors on cache les hontes sous les médailles comme on cache la poussière sous les tapis de soie.
Commenter  J’apprécie          20
Notre histoire est une histoire sans mots et nous n'avions qu'elle pour nous parler d'amour.
Tu es l'allemand. Tu es l'ennemi.
Qu'il soit cruel de faire la guerre avant l'amour, ne change rien.
Tu es l'allemand. Tu es l'ennemi.
Commenter  J’apprécie          20

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Agnès Ollard (14)Voir plus

Quiz Voir plus

Figure de style

Mais la tristesse en moi monte comme la mer.

Métaphore
Comparaison
Personnification
Allégorie

11 questions
48 lecteurs ont répondu
Thèmes : figures de styleCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}