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Citation de EricB


EricB
27 février 2015
Rien n'est plus choquant pour l'amour de la langue, le respect de soi le plus élémentaire, la préoccupation de la culture ou de ce que cela pourrait être, que de voir la légèreté avec laquelle a été votée la loi Fioraso. Les déclarations politiques relèvent de ce que Hitchcock appelait des "mac guffin" : des harengs rouges. Ils servent à détourner l'attention du bedeau pour le mener où l'on veut. Afin de ne pas se laisser distraire par les harengs rouges, une seule méthode, celle des arts plastiques : il faut déduire les intentions des faits.
Ainsi la loi Fioraso (par son article 2) voulait-elle hypocritement développer l'anglais ("faciliter l'usage des langues étrangères") à l'université ("dans certains cours") contre différentes lois de la République et en contradiction même avec la Constitution, qui fait de la langue française la langue de la République ; mais, selon l'antique méthode du cheval de Troie, cette loi n'avait au fond qu'un seul objectif stratégique, en application du projet anglophone-européen, et de la loi de libéralisation des universités, celui de livrer l'universel à l' "anglobal".
Cette loi scélérate fut opportunément dévitalisée par un acte de résistance du Sénat ; mais tel est le reniement de soi dont Fioraso est le nom : il y eut un Allègre auparavant et d'autres capitulards viendront pour annoncer comme eux que "l'anglais ne devrait plus être considéré en France comme une langue étrangère" ; cette vision stratégique gouvernementale entrera dans les mœurs aussi sûrement que l'apprentissage de l'anglais aux petits Français à l'école maternelle, dont la seule annonce indignait Le Canard enchaîné, naguère encore, en 1988...
- et pour cause : une langue apprise à la maternelle forme ce que Chomsky appelle un "langage institué". Autrement dit, la langue excède son apprentissage : apprendre l'anglais à la maternelle, c'est assurément apprendre beaucoup plus qu'une langue. Le projet d'apprendre l'anglais à la maternelle (avec la méthode globale ?) serre un tour d'écrou en faveur de la langue du maître :
que l'enseignement se généralise en anglais dans toute l'Europe et de la maternelle à l'université, telle est en effet la logique des gouvernements soumis à la Commission de Bruxelles, la logique du libéralisme européen et celle de la détestation de soi qui accompagne le naufrage des Etats-nations - parousie prévisible de l' "englobish" en néolatin, dupliquant les Etats-Unis d'Amérique et occupant pleinement son empire continental potentiel. Ainsi la loi Fioraso venait-elle opérer ce grand renversement historique : le contraire de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, par laquelle la langue française s'émancipait du latin. Et qui restait le plus ancien texte juridique français encore en vigueur.
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