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Citation de Partemps


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Alain Bosquet
Ça va, planète ?
Mais tu rétrécis, comme sous l'oranger la vieille orange.
Je n'aime pas les mondes réussis ; le mien a sa vertu : il me dérange.

L'oiseau de paradis, je l'ai plumé.

Je me survis, déplorable merveille.

Consommateur, tu seras consommé

au cours du grand festin chez les corneilles.

J'ai lu
Karl
Marx, le
Talmud, le
Coran.
Insatisfait, je rédige ma
Bible pour moi tout seul et me porte garant de mon déclin : j'incarne l'impossible.

Me contenter de la peau et de l'œil ?
J'ai déposé mon cerveau à la banque, n'en ayant plus besoin : je suis au seuil de mon inanité.
Ce qui me manque,

c'est le sens du réel.
Un angélus,

une musique, un vallon, un village ?

Nous revenons à l'ère de l'anus.

La chair s'affole et nous prend en otage.

Comme un smoking, l'idéal s'est usé, l'amour étant affaire de chemises.
Souris, mon âme : on va téléviser ton profil incongru !
Je dépayse,

par quelques fables, mes contemporains.

De
Gaulle, connais pas !
Va-t'en, jeune homme !

Hitler, qui c'est ?
On m'enlève les reins.

Le « on », le « je », le « moi » : faites la somme,

rien qui convienne à la moindre fourmi.
Ovaire congelé, sperme à distance : l'être humain se soumet au compromis entre sa mort et son inexistence.

Mon cœur se plaint de moi sur les écrans, puis il appelle à l'aide la police.
Calculs de la chimie, si je m'éprends, c'est grâce à elle, ô muqueuses factices !

Moi, je refusé de me ressembler.
Une interview de
Dieu en trois séquences, pour dix mille dollars : j'ose en parler, étant son biographe qui dépense

fortune après fortune en sa faveur.
L'époque est à l'absurde; il vente, il neige, selon ce que choisit l'ordinateur.
La dignité commence au sacrilège.

Nous aurons vingt poumons, dans le futur, deux cents genoux, un arbre de paupières.
Je me cramponne à mon siècle trop mûr, trop jeune, ô préhistoire, avant-première

d'un film où l'homme sera spectateur, vedette, synopsis et pellicule.
Respire, ô mer, emporte les rêveurs et transforme en corail mes crépuscules !

Être ou non-être, ainsi va le neutron.
Le monument aux morts oublie sa guerre.
Pour
Jésus-Christ,
Bouddha est un larron.
Si je crois que ma fable dégénère,

je la repeuple : un choix de pangolins assis sur la montagne, une orchidée qui s'exprime en tremblant, des mots félins qui savent rebondir sur une idée.

À aucun prix je ne dois m'émouvoir : mon seul honneur est de me mettre en cause, de la vertèbre au verbe et du miroir jusqu'au vertige.
Est-ce toi qui disposes

de mon squelette, ô dieu du gel,
Hasard, ou toi, déesse athée,
Désinvolture?
La vérité s'éclipse devant l'art et le rêve insensé, les seuls qui durent.

À quoi travaille un poète impuissant ?
Il dit ce qui n'est pas, petite histoire où rajeunissent l'âme avec le sang; c'est sa façon de rester dérisoire.

Je n'ai pas de profil ni de couleurs, puisque le paroxysme est à la mode, et je deviens limace dans ma peur.
Au fond de moi, je subis mon exode ;

mon intestin peut-il me digérer ?
Sortons, sortons !
L'azur est au beau fixe.
Le chirurgien viendra nous réparer. Ô palme douce, ô le gazon prolixe,

une colombe efface mes affronts.
Identité, fruit de l'informatique, tu es perdue : nous ne te défendrons ni par l'instinct ni par les lois iniques.

Papa, maman, allons au lit d'abord, sans décider de quel sexe nous sommes.
Incestueux, la vertu et le tort ont copule comme la femme et l'homme.

Lois du vagin, et les dieux sont poilus !
C'est sous la peau que notre peau se glisse.
Mon livre est mort chez les livres trop lus.
Proverbe ou chair, je vantais l'orifice

sans contempler ces beaux navires blancs qui vont avec lenteur parmi les cygnes.
Où est ma capitale ?
Un vieux biplan survole ma maison, comme on souligne

un passage râpeux dans un récit.
Pas de logique !
On vit par les syncopes, penché sur le néant, fourbu, assis, malin.
Même un moineau est interlope.

Ma seule hygiène : enfin me trépaner !
De mes abus je fais mes pénuries.
Je divorce de moi, simultané, ombre d'une ombre épaisse, et je parie

contre moi-même, comme au casino pour mieux se respecter on veut sa perte.
Le givre, une colline, ces canaux : j'ignore la nature; elle est offerte

à mon poème et à n'importe qui...
Discours du vent, festival des mollusques : ce que j'obtiens, je ne l'ai pas acquis. Étranger, je salue ta rage brusque,

ta fièvre molle et ton dénigrement.
Je n'ai jamais l'âge de mes artères.
Je vais élire un arbre au
Parlement : ô député, soyons plus délétères !

La tache aussi change de léopard, comme le léopard change de taches.
Cosmos au doigt, je refuse ma part de pauvre éternité car je me cache,

en torturant l'azur. Ô quelle paix, sous l'eau si paresseuse des fontaines!
Mon élégie, si je développais ce timide bonheur?
Chanson malsaine-La foule veut qu'on mange le dompteur et n'accepterait pas d'autre régime.
Je m'y résous, poète, pour l'honneur de la révolte pure et de mes rimes.

Chaque poème est le plus court chemin de mon fantôme à vous autres, fantômes !
Je ressuscite ; on me greffe une main au bas du front, pour que j'écrive un tome

à la gloire du siècle, sans effort, comme un roman de cape et d'aventures.
Amis, j'éduquerai votre remords ; je couperai vos doutes sur mesure.

Je ne définis rien : je suis présent dans ce cirque d'amour et de nausée.
Je me protège, ô tumulte écrasant !
Je suis l'ambassadeur de la rosée.

Mai 1983.
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